Genêve ce 7e février 1778
Monseigneur,
J'ay crû devoir aprendre à Vôtre Altesse Sérénissime un Evénement qui vous surprendra si vous n'en êtes pas encore instruit.
Nôtre ami à 84 ans accompli est parti avant hier 5e pour Paris; Comme je n'ay pas encore été en Etat de sortir de mon appartement (quoi que baucoup mieux) je n'ay pas pu le voir. J'en receu des nouvelle la veille de son départ, qu'il étoit fort bien. Sa nièce madame Denis étoit partie 3 jours plutôt avec le marquis de Villette et sa femme qui étoit à Fernex; c'est sur l'envie que la Reine avoit de le voir qu'il a fait ce voyage. Elle dit en voyant joüer Tancrede qu'elle Embrasseroit L'auteur avec bien du Plaisir, et Elle lui a fait écrire des choses si obligeantes et si pressante, qu'il s'est décidé à aller lui faire Lui même ses remerçiemens. Il emporte avec lui une Tragédie, qu'il a faite dans six semaines, qui a pour Titre L'Imperatrice Irenne, à 84 ans, c'est admirable. J'ay pensé Mon Cher Prince que vous seriez bien aise de lui faire faire vos amitié par vôtre ministre à Paris, sachant qu'il y sera fort sensible; il se propose d'être de Retour dans 3 oû 4 semaine. Il est parti dans sa dormeuse avec un petit Poële dedans, malgré cela je crains bien pour sa santé, un voyage dans ce temps à son âge, étant accoutumé à son appartement chaud. J'espère qu'il ne quittera pas sa dormeuse. J'attend de ses nouvelles avec impatience. J'en ay bien davantage pour en recevoir de vôtre Altesse sérénissime, je vous suplie de m'en donner le plutôt qu'il vous sera possible, c'est le Remêde le plus sûr pour achever ma guérison, et vous avez trop de bonté pour me refuser. Je vous en aurois mon cher Prince la plus grande obligation; mon mari et ma fille prient vôtre Altesse sérénissime de recevoir leurs très profonds respects, et moi les sentimens les plus tendres, L'attachement le plus inviolable et le profond respect avec lequel je suis
Monseigneur
de Vôtre Altesse Sérénissime
La Trés humble et trés obéissante servante
Gallatin née Vaudenet