1751-05-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha.

Madame,

Votre Altesse Sérénissime daignera t'elle accepter le tribut, qu'un homme qui luy est peut être inconnû, ose mettre à ses pieds?
Monseigneur le prince votre fils, à qui j'ay quelquefois fait ma cour à Paris, me servira de protecteur auprès de votre Altesse Sérénissime. J'avais la plus forte passion de me présenter dans votre Cour en allant à Berlin, et d'admirer de près les vertus d'une mère si respectable. Je ne me console point de n'avoir pu jouir de cet honneur, et de celuy d'approcher encore de Monseigneur le Prince de Gotha, que j'ay vu donner à Paris de si grandes espérances.

Je ne prendrais pas la liberté de présenter à Votre Altesse Sérénissime ce recueil qu'on a fait à Dresde de mes ouvrages, si cet exemplaire n'était, par sa singularité digne, de tenir une place dans une Bibliotèque. Il y a plus de deux cent pages corrigées par ma main, ou réimprimées. Il n'y a que trois exemplaires au monde de cette espèce. J'ai cru remplir mon devoir en envoyant un de ces exemplaires à Madame la Princesse royale de Pologne, et en mettant l'autre à vos pieds. J'ose me flatter Madame de votre indulgence et de votre bonté.

Je suis avec le plus profond respect

Madame

de votre Altesse sérénissime

le très humble et très obéissant Serviteur

de Voltaire Chambellan du Roy de Prusse