1750-09-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Georg Conrad Walther.

Je vous adresse mon cher Whaters un exemplaire de votre édition que j'ay enfin trouvé le temps de corriger.
J'y joints des pièces nouvelles qui ont été imprimées à Paris depuis la publication de votre dernier volume.

Vous trouverez marquées avec des papiers blancs touttes les fautes d'impression. J'ay fait refaire de nouvelles feuilles à quelques endroits qui étoient imprimez sur des copies trop défectueuses. J'ay ajouté deux feuilles au commencement du troisième tome. J'ay inséré deux feuilles entières au tome second. Il y a un nouvau feuillet pour le tome 3, page 224, un autre nouvau feuillet page 137, baucoup de pages presque entières corrigées à la main, baucoup de passages rétablis.

Je vous envoye trois exemplaires de ces feuilles nouvelles que j'ay fait imprimer icy, et que j'ay insérées dans votre exemplaire. Je vous prie de vouloir bien faire relier trois exemplaires complets avec ces additions, et conformément à celuy dont vous resterez en possession, et qui vous servira de modèle. Vous me tiendrez ces trois exemplaires prêts, et vous me les enverrez à la fin d'octobre à Berlin par les chariots de poste.

A L'égard de L'exemplaire corrigé qui doit vous rester et qui sera votre modèle, voycy ce que vous pouriez faire. Je vous conseillerais de réformer toutte votre édition sur ce plan autant que vous le pourez, d'y ajouter un nouvau titre, qui annonceroit une édition nouvelle plus complette, et très corrigée. J'y ferois une nouvelle épître dédicatoire à madame la princesse royalle et une nouvelle préface. Je serois alors autorisé par les soins que vous auriez pris, à vous soutenir contre les libraires de Hollande, et à faire valoir votre ouvrage. Je le ferois annoncer dans les gazettes, comme le seul qui contient mes œuvres véritables. Je vous exhorte à prendre ce party. Je croi que c'est le seul moyen de faire tomber les éditions de Hollande, et de décrier ces corsaires. Je ne peux vous dissimuler que votre édition est très décriée en France, mais quand vous l'aurez un peu corrigée par le moyen que je vous indique, et avec les secours d'un correcteur habile, j'en feray entrer dans Paris tant d'exemplaires que vous voudrez et je vous procureray un débit très avantageux.

Je comptois vous parler de tout cela à Dresde, au mois d'octobre prochain, et j'avois surtout la plus forte envie de faire ma cour à madame la princesse royale. J'étois venu en Allemagne dans l'espérance d'admirer de plus près, cette princesse qui fait tant d'honneur à l'esprit humain, et qui étonne également la France et l'Italie. Mais je suis obligé de retourner en France, et ce ne sera que l'année prochaine que je pouray contenter le désir extrême que j'ay toujours eu de me mettre aux pieds de cette respectable princesse. Si vous pouvez par quelque voye luy faire parvenir mes sentiments, je vous seray baucoup plus obligé encore, que de la réforme que je demande à votre édition. Je suis tout à vous.

Voltaire chambellan du roy de Prusse