1752-11-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Georg Conrad Walther.

J'ay oublié mon cher Walther de vous prier dans ma dernière lettre d'envoyer sur le champ un exemplaire de L'édition en sept volumes avec un exemplaire de la nouvelle edition du siècle de Louis 14 à mr Roques, conseiller ecclésiastique du landgrave de Hesse Hombourg, à Fridericsdorf dans le pays de Hesse Hombourg, par Francfort sur le Mein.
Il connait le libraire qui contrefait votre édition du siècle, à la faveur de quelques notes que la Baumelle y ajoute et il peut vous servir. Il travaille au journal de Francfort. Il connaît tous les tours de ce la Baumelle qui a été obligé de quitter successivement Copenhague, Berlin, Leipzik et Gotha et qui ne vit àprésent à Francfort que du produit de sa plume.

Je vous donne tous les éclaircissements que je peux, et vous recommande toujours de vous hâter. Quand vous ne m'enverriez àprésent qu'un seul exemplaire relié pour le Roy de Prusse, vous me feriez un plaisir sensible. Les autres manuscrits ne pouront être prêts que dans le mois de janvier. Adieu, je vous embrasse.

V.

Mandez moy le nom de l'imprimeur du journal de Francfort, c'est celuy qui contrefait votre édition.

Je viens de faire relire L'édition en sept volumes par un correcteur habile. On y a trouvé deux cent quatre fautes de plus que celles que j'y avais remarquées: un autheur est peu propre à corriger les feuilles de son propre ouvrage. Il lit toujours comme il a écrit, et non comme il est imprimé. Je vous félicite d'avoir un correcteur habile àprésent. C'est un meuble indispensable. Les fautes innombrables dont cette édition en sept volumes fourmille sont pour la plus part si ridicules, et altèrent le sens si étrangement qu'il est impossible qu'elle ne soit décriée. Ne manquez pas au moins d'en envoyer des exemplaires à ceux des autheurs des journaux qui pouraient la décrier et vous faire tort.

Croyez moy, vendez la vite et à bon marché, il n'y a rien là à gagner. Je vous plains baucoup mais aussi pourquoy ne m'avoir pas envoyé les feuilles à corriger? Je les aurais fait revoir par mr de Franchevile, père de mon secrétaire, et encor par son fils.

Francheville le père a fait un poème sur les vers à soye. Je ne sçais si on cultive les meuriers chez vous, si on aime en Allemagne les vers à soye et les vers. Franchevile voudrait avoir une douzaine d'écus de son poème, et des exemplaires reliez pour en faire des présents.

Réponse sur tous ces articles.

Envoiez moy je vous prie par le chariot de poste les lettres de Maupertuis. Je vous serai très obligé. Joignez aussi je vous prie la phisique de Mushembroek. Je vous rendrai bientôt tous vos livres.

Je ne sçai si vous avez fait mettre quelque avertissement dans les gazettes.

En cas que vous ne l'ayez pas fait, en voicy un qu'il est très important que vous fassiez insérer

. . . avertit qu'il débite avec privilège la nouvelle édition du siècle de Louis 14, la seule que l'auteur reconnaisse. Les fautes sans nombre des premières éditions y sont exactement corrigées. L'ouvrage augmenté d'un tiers contient des anecdotes tirées des manuscrits du mqis de Torsi, deux écrits dont l'original est de la main de Louis 14, et baucoup d'articles curieux sur les arts, les lettres, l'état et l'église.

Il faut absolument envoyer cela à Cologne, à Utrecht, à Amsterdam, et me mander à quels gazetiers et à quels journalistes vous enverrez de ma part un exemplaire. Informez vous de leurs noms. Il faut prendre touttes les précautions possibles pour que L'édition de Francfort ne fasse pas tomber la vôtre. Je travaille de mon côté, mais surtout je vous recommande mr Rouque.