Madame,
Permettez que parmy tant de voix qui applaudissent et qui souhaittent à votre majesté un règne heureux, la voix d'un ancien serviteur se fasse entendre.
Que ne pui-je ressembler à Descartes qui alla se mettre aux pieds de Christine? Soufrez qu'au moins je présente un tributà votre majesté. C'est un recueil qu'on s'est avisé d'imprimer à Dresde, et dont j'ay corrigé touttes les fautes, à la main. Il est rempli d'additions et de changements. Il n'y a au monde que deux exemplaires ainsi corrigez, l'un pour un héros digne d'être votre frère, L'autre pour son auguste sœur. C'est par cette rareté seule que cet ouvrage mérite peutêtre d'être honoré d'une place dans la bibliothèque de votre majesté.
Si on veut admirer ce qui est rare en effet par soy même, et ce qui est d'un prix inestimable, il faut ou aller à Stokolm, ou être à Potsdam. Il y a longtemps que j'ay vu une épître charmante que L'Apollon de Prusse a fait pour la Pallas de Suede. Après un tel tribut payé par une Divinité à une autre, comment un profane oseroit il parler soit en vers, soit en prose?
Je suis avec le plus profond respect,
Madame,
de votre majesté,
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
à Potsdam, ce 22 avril 1751