1759-04-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louisa Ulrica, queen of Sweden.

Madame,

Le Roy votre frère m'a ordonné de payer ce triste tribut à la mémoire de madame la markgrave de Bareith.
Je sçais qu'il aime votre majesté pour le moins autant qu'il aimait celle qu'il regrette aujourdui. J'obéis à ses intentions et aux sentiments de mon cœur en mettant aux pieds de votre majesté ce faible monument qu'il a voulu que j'élevasse à une sœur qui était digne de vous, et qui était ornée de quelques unes de vos vertus. Puissent ces vertus madame vous procurer sur le trône une félicité qu'on ne trouve guères ny sur le trône ny ailleurs. Je ne vois guères que des calamitez dans ce monde. Il me semble qu'il était moins malheureux et moins pervers quand je faisais ma cour à votre majesté à Montbijou. Je vis retiré dans un pays tranquile dont les orages n'aprochent point. J'y achève ma vie en paix, mais il n'y a point de jour où je ne fasse des vœux pour la prospérité de la vôtre.

Je suis avec le plus profond respect

madame

de votre majesté

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire comte de Tourney