à Colmar 24 octob. [1754]
Je vois mon aimable confrère par votre billet du 18 que vous avez été assez heureux pour ne pas recevoir un énorme fatras que je vous avais adressé.
N'osant pas l'envoyer sous le couvert de M. le comte d'Argenson, j'avais mis ainsi le dessus à Mr le premier Secrétaire de M. le c. Dargenson, présumant que ce secrétaire quelconque vous rendrait sur le champ le paquet. On ne sçait comment faire avec les précautions. Depuis ce temps là, vous avez dû être ennuyé de mes lettres. Je rends grâce à ce Mr Sireuil et à ce monsieur Royer qui me donnent au moins le plaisir de m'entretenir à vous. Je fus tout ébahi hier quand on vint me dire dans ma solitude de Colmar que la sœur du roy de Prusse, me la markgrave de Bareith, m'attendait à souper; et où? à son auberge. J'y vais en me frottant les yeux. Elle veut m'emmener en Languedoc où elle va passer l'hiver pour sa santé. Ce ne sera pourtant pas pour elle que j'irai, ce sera pour Monsieur le maréchal de Richelieu à qui je l'ay promis. Je seray d'ailleurs encor plus loin des siflets de Prométée. Comme je ne partiray que dans un mois ou environ j'aurai le temps de recevoir vos dernières résolutions sur la mascarade de Pandore. Croiriez vous que cette sœur du roy de Prusse a voulu absolument voir ma nièce, elle luy a fait touttes les excuses possibles d'une certaine avanture de cimbres et de sicambres, et elle a fini par me faire un présent magnifique. Tout cela d'un bout à l'autre a l'air d'un rêve.
Adieu, mon attachement pour vous et ma reconnaissance sont des véritez bien réelles.
V.