à Colmar 23 octb [1754]
Il faut madame que je vous dise à propos de notre inscription une chose que j'aurais déjà dû vous dire.
C'est que toutte inscription doit être courte et simple, et que les grands vers d'imagination et de sentiment conviennent peu à ces sortes d'ouvrages. La brièveté et la précision en font le principal mérite. Voylà pourquoy on se sert presque toujours de la langue latine, qui dit plus de choses et en moins de mots que la nôtre. Je ne vous fais pas madame ces petites observations pédantesques, pour vous proposer une inscription en latin, mais seulement pour vous demander si vous serez contente d'une grande simplicité en français. Voicy àpeu près ce que j'oserais vous proposer en attendant que je sois mieux inspiré:
Je ne vous donne madame ce faible essay que comme une esquisse. Voyez si c'est là ce que vous voulez qu'on dise, et je tâcherai de le dire mieux.
Je vous avoue que je ne m'attendais pas de passer huit heures de suitte avec la sœur du Roy de Prusse à Colmar. Elle m'a accablée de bontéz et m'a fait un très beau présent. Elle a voulu absolument voir ma nièce. Enfin elle n'a été occupée qu'à réparer Le mal qu'on a fait au nom de son frère. Concluons que les femmes valent mieux que les hommes. Mr de Richelieu fait ce qu'il peut pour que j'aille passer l'hiver en Languedoc et madame la markgrave de Bareith voulait m'y mener. Mais je doute fort que ma santé me permette le voiage. Si je pouvais quitter Colmar ce serait pour l'île Jard; ce serait pour vous madame et pour votre digne amie. Ma nièce se joint à moy pour vous souhaiter de la santé et pour vous assurer du plus sincère attachement.
V.