au Château de Ferney en Bourgogne, par Genêve 29. juin 1761
Monseigneur,
Quoi que je ne puisse me flatter d'être connu de Vôtre Altesse Sérénissime que par mon respect pour les héros de vôtre sang, si bien imités par elle, permettez que j'ose demander vôtre protection pour une entreprise qui n'a rien de commun avec les exploits de la guerre.
L'Académie française me charge de faire une Edition des Tragédies de ce grand Corneille (qui arrachait des larmes au grand Condé). Elle sera accompagnée de nottes qui pouront être utiles, puisqu'elles seront revües par elle. Cet ouvrage orné d'Estampes, ne s'imprime que pour ceux qui en souhaitteront des éxemplaires; et le produit sera pour les héritiers du nom de Corneille, qui n'ont pour tout bien que ce nom illustre.
Vôtre nom, Monseigneur, est fait pour être, en tous les genres, à la tête de ceux qui pensent nôblement. Je suis persuadé que Vôtre Altesse Sérénissime daignera agréer la liberté que je prends de m'adresser à elle puis qu'il s'agit de faire du bien.
Si elle permet que son nom soit imprimé au premier rang des protecteurs du grand Corneille, si elle daigne retenir une douzaine d'éxemplaires, ainsi que font la pluspart des académiciens, et si elle veut bien me faire honorer de ses ordres, je la supplie de me les faire adresser à Paris chez Mr Jannel, intendant des postes.
Je suis avec un profond respect
Monseigneur
de Vôtre Altesse sérénissime
Le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire gentilhome ordinaire du Roy