1761-06-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Paris de Montmartel.

Vous n'avez guères le temps de lire, Monsieur, mais vous avez toujours celui de faire du bien.
Voicy d'ailleurs le temps où Monsieur vôtre fils va perfectioner son éducation. La lecture des bons ouvrages du grand Corneille, avec des notes utiles sur la langue, achèvera de former la noblesse de ses sentiments et son goût. Je vous demande que son nom soit parmi les souscripteurs pour une douzaine d'éxemplaires, dont il poura faire des présents à ses amis, et qui seront un monument de vôtre générosité. Vous verrez, Monsieur, par l'avertissement cy joint que mon entreprise est honorable pour la nation. Elle vous doit déjà beaucoup, il faut qu'elle vous ait encor l'obligation d'être le bienfaicteur du sang de Corneille.

Je souscris moi même pour six éxemplaires. Ayez la bonté, Monsieur, de m'instruire du nom et des qualités de Monsr vôtre fils, car nous imprimons la liste des souscripteurs, et nous ferons voir aux Anglais que nous sçavons au moins comme eux honorer les talents des grands hommes, dans les temps même les plus malheureux.

Vous connaissez monsieur l'estime respectueuse et le tendre attachement que vous a voué votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

Je vous supplie Monsieur de m'adresser votre réponse, à mr Jeannel, intendant des postes, qui a la bonté de se charger de la correspondance.