Paris ce 14 avril 1773
Je n’ai rien à ajouter, monsieur, à ce que vous mande mde la comtesse de la Heuse: ses sentiments sont en tout les miens unis par le sang et par le désir de venger la mémoire de notre infortuné parent.
Nous le sommes encore par l’admiration commune que nous vous portons, et par la confiance qu’une âme comme la vôtre est faite pour inspirer. Je vous demande seulement, en mon particulier, le secret sur l’ouvrage que j’ai l’honneur de vous adresser, en vous priant de vouloir bien le faire imprimer. J’ai un parent à venger, et je ne pourrais rien faire de moins que de consacrer à sa défense les premiers efforts de ma plume et de ma liberté; mais j’ai aussi un état à me faire, et je nuirais à cet état en réclamant ouvertement sans l’aveu du roi. C’est cet aveu que ma cousine et moi travaillons actuellement à obtenir, mais la voix du public est souvent l’oracle des rois, et la voix des sages est toujours l’oracle de l’univers. Vous ne serez donc pas étonné d’après cela, monsieur, que nous voulions intéresser à notre projet votre cœur et votre génie. C’est une entreprise qui vous est due, j’oserai ajouter, et à laquelle vous vous devez: un homme tel que m. de Voltaire n’est pas né pour lui seul et est comptable à l’humanité de tout le bien qu’il peut lui faire. Qu’il sera beau, monsieur, d’avoir écrasé les deux plus terribles fléaux de cet univers: la superstition et la calomnie, de voir deux familles entières, dont vous avez été le vengeur, tomber à vos genoux et donner le signal à toutes les nations pour vous décerner l’hommage, j’ai presque dit le culte, qui vous sera dû.
J’ai l’honneur d’être, monsieur, votre &c.