1766-01-18, de Jean Louis Dupan à Suzanne Catherine Freudenreich.

… Si l'on pouvoit égayer la matière ne ferait on pas bien, Madame?
Essayons, Voltaire nous aidera. Nous attendons sa vingtunième lettre, qui sera de Mle le Vassor servante maîtresse de Jean Jaques à Mle Catherine Ferboz, cy devant maîtresse de Covêle et à présent femme d'un quidam. Rousseau va être la bête à qui Voltaire adressera ses coups et si Rousseau répond, Volt. garde pour la réplique les propres lettres dudit Jean Jaques écrites de Venise et qu'il a en original, pour prouver que Rousseau n'étoit rien moins que premier secrétaire d'ambassade. . . . C'est Rousseau qui a conseillé à nos souverains de se lier avec Voltaire, ces Messieurs vouloient faire fraper une médaille à l'honneur de Rousseau, qui écrivit à l'un d'eux qu'ils feroient bien de s'attacher à Voltaire, et de lui décerner la médaille avec cette légende Phœbo pacificatori, à Apollon pacificateur. Ils ont fait leur cour à Voltaire qui les a bien reçus, mais comme ils sont faits pour l'ennuyer, il est vraisemblable que leur liaison avec lui ne sera pas de longue durée.

Voltaire a chez lui un Jésuite sécularisé; une servante de cuisine a soin de sa chambre. Voulant sans doute donner des preuves qu'il avoit bien véritablement abjuré le régime de la société, l'ex jésuite s'avisa, il y a quelques mois, de vouloir faire quelques caresses à la servante, elle cria, on vint, il fut surpris aux genoux de cette fille qu'il avoit poussée sur une chaise. Voltaire et Me Denis en furent informés et ne lui en dirent rien, mais à dîné en présence de quinze personnes Volt. dit qu'il étoit arrivé une chose extraordinaire ce jourlà au château, qu'on avoit surpris le Père Adam … oui surpris à genoux … priant dieu pour moi, dit Voltaire.

Je vous envoye une prétendüe lettre du Roi de Prusse à Rousseau, on dit qu'elle est venüe de Paris, et bien des gens croyent qu'elle sort de la boutique de Fernex….