1758-09-27, de Jean Pierre Le Resche à Daniel Pavillard.

On me dit que vous avés mal pris ma lettre au V. Coll., j'en suis très fâché, elle étoit destinée premièremt & principalemt à porter le V. Coll à chercher avec vous Messieurs quel que moien d'apprendre au public votre indignation de voir votre nom prostitué à côté ou en quelque sorte en confirmation d'un Article où la Religion réformée & même la Rel: en général est traitée avec le dernier mépris. Tel étoit le genre de désaveu que j'ai hazardé de vous indiquer, il n'avoit rien à mon avis qui dût vous faire de la peine.

Après cela mon intention il est vrai étoit de vous procurer de Mess. vos confrères quelques avertissemens fraternels sur la manière de vous diriger avec un home aussi dangereux. Cette affaire jointe avec la malheureuse inscription de la Bibliothèque Impartiale a fait trop de bruit, pour qu'il pût n'en pas être question dans aucune de nos Assemblées; déjà on me s omoit de la réserver pour la classe, mais j'ai cru qu'il convenoit bien mieux & à vous & à nous tous qui partageons l'honneur du Ministère, que cette affaire fût traitée intra privatos parietes d'un Coll. que dans une Assemblée générale, vous avés vu & entendu les Altercations qu'elle y a causé, & me blâmera t-on d'avoir épargné à notre grande Assemblée dont mon devoir est de maintenir la dignité de pareilles scènes & débats.

On me blâme peut-être, on me turlupine d'avoir hazardé de dire que vous pouriés proposer à cette occasion à Mrs de la Ville de congédier Mr De V. mais me traitte qui voudra de pédant et de cagot, quant à moi je ne doute pas que quiconque feroit imprimer à Toulouse ou à Bourdeaux que l'Autorité du Roi est un vain préjugé que l'on peut abjurer à bien plaire, & auroit l'art d'accompagner cette belle idée d'un certificat de 2 ou 3 Membres du Parlemt à propos d'autre chose, recevroit infailliblement pour le moins de cette Auguste Compagnie le consilium abeundi, mais il en est autrement dira t-on de l'Autorité humaine que de l'autorité Divine, celle ci saura bien se souttenir sans que les homes s'en meslent; à la bonne heure, mais que l'on ne nous introduise pas come en partageant le mépris, & qu'il nous soit permis de désavouer hautemt de pareilles gens.

Nous avons promis & vous savés comt de ne point favoriser les Prédicateurs du socinianisme & n'aurions nous rien promis contre les Prédicateurs de l'Irreligion, si l'on laisse aller les choses, je crains fort qu'avant qu'il soit longtems on n'ose plus prononcer devant nos prétendus Philos. & Beaux Esprits, le nom de Jesus Christ, sans ajouter un sauf respect. Et on ne s'écriera pas ô tempora ô mores! Est-ce donc une chose si déraisonnable de croire aux Vérités Evangéliques? Est-ce être Fanatique que d'oser confesser J. C.? Est-ce être insensé que d'obéir à ces Paroles de st Paul, Tess. 3: Nous vous ordonnons au nom de N. S. J. C. de vous éloigner de tous ceux de nos frères qui ne se tiennent pas dans l'ordre & qui ne suivent pas les instructions qu'ils ont reçues de nous, Et ces prétendus frères qui étoient-ils? vous le voiés plus haut, pesés ces paroles, il semble qu'elles soient dittes pour ces derniers tems. Faites que la parole du seigneur ait un cours libre & qu'elle soit respectée & que nous soions délivrés de ces homes fâcheux & méchans, car tous n'ont pas la Foi.

Daignés Monsieur & très honoré frère peser tranquillemt & sérieusemt toutes ces choses, que si je suis allé ici trop loin ne l'imputés je vous prie qu'à ma vive douleur de voir les Prédicateurs de l'Irreligion oser de plus en plus lever le masque, mais nullemt à un défaut de considération & d'affection dont je suis rempli envers vous & Messieurs vos collègues, Vous êtes au fond dans cette rencontre plus à plaindre qu'à blâmer, Mr le Doien De Crousas accablé d'affaires aura été ici entièremt passif, le bon cœur de Mr De Bottens aura été ici la duppe de son Imagination, & vous Monsieur qui aimés tant à obliger vous n'aurés regardé qu'au service important qu'on vous demandoit. Et puis qui pouvoit s'imaginer que Volt. allât faire de votre certificat un pareil usage? Mais tout est ramené dans l'ordre dès que vous désavoués l'usage fait du dit certificat.

J'ai dans le voisinage une personne de considération qui ne doute pas que la lettre en question n'existe encore en Original, il voudroit qu'on la cherchât & que vous l'aiant produite on vous obligeât de donner votre certificat que vous l'avés vue; mais il est moins question à mon avis de ce qui peut purger ou salir Saurin, que des indécences qui rejaillissent sur une Religion dont je défie Volt. & tous ses adhérens d'en produire une qui en approche en excellence. Tant s'en faut qu'on soit obligé d'avoir avec elle une Thologie à part, ou d'abjurer la Raison & la saine Philosophie pour y croire.

J'ai l'honneur d'être avec une parfaite considération & un entier dévouement

Monsieur & très honoré Frère

Votre t. h. & t. ob. s.

Le Resche