[February/March 1773]
Monseigneur,
Une des plus douces consolations que j’aye reçues depuis plus de vingt ans a été la lettre dont votre altesse Roiale m’a honoré.
Je vois que vous daignez toujours protéger les lettres et que vous favorisez les Français après vous être amusé à les battre. Ils sont dignes en effet de vos bontez. Cette nation qui passe pour être un peu légère ne l’a jamais été pour vous, elle vous a toujours aimé et les gens sensez de chez nous ont rendu unanimement justice à vos grands talents militaires comme à vos grâces.
Le jeune M. Mainieux, secrétaire du général Debruce, Ecossais au service de L’impératrice de Russie, m’aporta hier dans mon lit, où mes maladies me retiennent, la lettre dont je remercie votre altesse roiale. Mon triste état, et la perte presque entière de mes yeux ne me permettront guères de lire trois gros volumes de la politique morale dont ce jeune homme est l’auteur, mais je lui rendrai tous les services qui dépendront de moi, quoi qu’il soit très difficile de dire des choses neuves en morale et peutêtre dangereux d’en dire de vieilles en politique.
Il est vrai qu’il y a eu de grands politiques à l’âge de vingtcinq ans mais ils n’imprimaient rien à cet âge sur le gouvernement.
Quoi qu’il en soit si le jeune mr de Mainieux est assez heureux pour penser et s’exprimer comme vous, il réussira. Je le trouve bien heureux d’avoir pu vous faire sa cour, mon âge et ma fin prochaine ne me laissent pas espérer un tel bonheur.
Je suis avec le plus profond respect
Monseig.
de votr. alt. Roiale
le.