1762-01-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha.

Madame,

Je perds baucoup à la mort de l'impératrice de Russie.
Mais je suis consolé si votre altesse sérénissime est heureuse, si elle est en parfaitte santé, si ses états ne se ressentent point des suittes de cette funeste guerre qui désole presque toutte l'Europe. Je dis au premier coup de canon, en voilà pour sept ans au moins; et j'ay eu le malheur d'être profète. Cela est un peu plus loin de la paix perpétuelle que Jean Jacques Rousseau a si généreusement proposée d'après le vertueux visionaire l'abbé de St Pierre. Les hommes seront toujours fous; et ceux qui croient les guérir, sont les plus fous de la bande. Ce qu'il y a de bon, c'est que touttes les espérances des politiques sont toujours trompées, et que cette expérience ne les détrompera jamais. Ceux qui se contentent de prévoir que les nations deviendront très malheureuses par les fautes de cette politique, sont les seuls qui aient raison.