aux Delices 22 septbre [1757]
Madame,
Deux ou trois armées du meilleur des mondes possibles m'ont privé de la consolation de recevoir des lettres de votre altesse sérénissime.
Je n'en ay pas été moins touché de tous les événements qui ont pu regarder vos états. Je me suis intéressé à eux comme à ma patrie, et à votre personne madame comme à ma protectrice à qui j'ay voué un attachement qui durera autant que ma vie.
On a dit sur les bords du lac de Geneve que V. A. Se y enverroit, un des princes ses enfans. Si cela était vrai madame, que je serais heureux de pouvoir recevoir vos ordres soit pour Lausane soit pour Geneve, et de montrer au fils tous les sentiments respectueux qui m'attachent à la mére! J'adresse cette lettre à Monsieur le maréchal de Richelieu dans l'espérance qu'il la fera rendre avec sûreté à votre altesse Sérénissime. Je me flatte même qu'elle poura parvenir dans un temps où touttes les difficultez seront applanies, et où vos états jouiront de la tranquilité que votre sagesse et celle de Monseigneur le duc leur aura procurée. J'eus l'honneur de recevoir il y a peu de temps une lettre du roy de Prusse dans la quelle il me dit qu'il ne luy reste plus qu'à vendre cher sa vie. Mais sa vie est trop prétieuse, trop marquée par de beaux événements, pour qu'il songe à la finir, et il est trop philosofe pour ne savoir pas supporter des revers. Qui eût dit madame qu'un jour je prendrais la liberté de le consoler? Voylà de ces révolutions bien capables de détromper des grandeurs humaines, si quelque chose pouvait désabuser les hommes. Puissent ces grands mouvements ne point porter dans vos états les calamitez qui les suivent, puisse votre santé n'être pas plus altérée que votre courage. Que votre altesse sére daigne recevoir avec sa bonté ordinaire mon profond respect pour sa personne et pour toutte son auguste famille, aux pieds de qui je me mets.
V.