1773-11-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Conseil de régence de Montbéliard.

Messieurs,

Votre lettre du 30 oct. me jette dans un funeste embas.
Vous ignorez peutêtre que j'ay établi à Ferney une colonie et des manufactures qui ne peuvent subsister que par les secours que je me suis engagé à leur fournir tous les trois mois. Je n'ay point manqué jusqu'icy à mes promesses, et tout est détruit si je manque un seul payement.

Je vous prie de considérer qu'à mon âge de quatrevingt ans, une année de délai est un siècle.

Cependant mon respectueux attachement pour son altesse sérénissime l'emportera dans mon cœur sur le contretemps cruel que j'éprouve.

Je vous prie du moins de me faire payer des quartiers qui me sont dus d'ailleurs sur la caisse de Montbeliard sans quoy il me serait absolument impossible de soutenir ma maison et de vivre. Vous ne voudrez pas réduire ma vieillesse à l'indigence pour le prix du petit service que j'ay eu le bonheur de rendre à Monseigneur le duc.

Ayez la bonté de vouloir bien me mander sur quel pied vous comptez me rembourser des derniers quatrevingt mille francs que je vous ai prêtés, quels arrangements vous prenez, quels ordres vous donnez à vos receveurs ou fermiers. Vous pouvez m'envoier un tableau des sommes et des échéances signé de vous. Il n'y a rien que je ne fasse pour témoigner mon entier dévouement à s. a. s. et pour vous plaire.

J'ay l'honneur d'être avec respect

Messieurs

votr.