1771-11-28, de Marie Louise Denis à Alexandre Marie François de Paule de Dompierre d'Hornoy.

J'ai un grand désir Mon cher neveu de sçavoir Mme votre femme arrivée à Paris.
Vos chemins sont bien mauvais et bien cahotans pour une femme grosse, et surtout grosse d'un premier enfant. Je crois qu'il serait prudant de lui faire faire ce peti traget en litière. Il vous serait facile par vos amis de vous en procurer une.

Les femmes qui Commensent par faire des fausses couches ont en suite toutes les peines du monde à amener des enfans à bien. La litière n'a nul inconvénient, le carosse en a beaucoup. Consultez vos mères et grandmères, et ne négligez aucune précautions.

Je ne doute pas que Mon frère n'arrange si bien les affaires qu'il ne vous procure la Consolation d'être le témoin des couches de Mme Dhornois.

J'ai parlé au patron de ce dont vous m'aviez chargé par votre dernière lettre. Soiez sûr qu'il ferait avec grand plaisir ce que vous demendez puis que vous le désirez. Mais il a des raisons qui l'enguagent à éviter d'avoir à faire à ces gens vêtus de noir. Vous devez m'entendre. Il m'a dit qu'il vous en avait écrit ou à mon frère. Il veut même vous mettre un mot dans cette lettre. Mais de quel que façon que cela tourne il ne vous en aimera pas moins vous, votre femme et tous vos enfans.

Nous attendons ces jours Mr de Florian. Il me parait toujours fort affligé.

Dupuits doit être arrivé actuelement à Paris. Il fera de son mieux pour trouver le moment de vous aller voir. Mais j'espère que vous vous rencontrerez ensemble à Paris.

Adieu Mon cher neveu, embrassez pour moi Mme Dhornois. Je suis très fâchée de n'avoir pas encor fait connoissence avec elle. Tout le bien qu'on m'en dit augmente mes regrets. Assurez la de mon inviolable amitié, et ne doutez pas tous deux des tendres sentimens qui m'attachent à vous pour la vie.

Il faut que vous sachiez qu'il y a un mois qu'on refusa la communion à un citoien dans Paris sous prétexte qu'il était un déiste déclaré, c'est à dire par ce qu'il adorait Dieu, et on lui dit ensuitte que c'était de l'ordre de l'archevêque. Le citoien alla trouver un grand président, ne doutant pas qu'il ne fût en droit d'appeller comme d'abus. Le grand président lui répondit que son appel ne serait point reçu, que c'était une affaire purement ecclésiastique dont le parlement ne se mélait pas. Vous savez que les sept sacrements se ressemblent, qu'ils ont tous la même vertu, et que le bâtême n'a pas plus de droits que l'Eucharistie.

De plus il faut vous dire qu'un Diable d'Anglais étant à Rome s'est avisé de dire qu'il devait rapporter les oreilles du grand inquisiteur à un de vos amis. Le pape lui a dit, faites lui mes compliments mais dites lui que sa commission n'est pas fesable, notre grand inquisiteur n'a plus d'yeux ni d'oreilles.

Vous jugez que dans ces circomstances le mieux est de n'avoir maille à partir avec aucun sacrement.

Les choses sont furieusement changées, grâces encor un coup, à ceux qui n'ont été qu'opiniâtres aulieu d'être politiques, et qui ont tout perdu, pouvant aisément tout conserver. Oubliez, mon cher ami, attendez, et jouissez en attendant.