1770-12-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Alexandre Marie François de Paule de Dompierre d'Hornoy.

Nous vous sommes bien obbligés Mon cher neveu de nous avoir un peu rassuré sur l’état de ma soeur.
Mr de Florian nous avoit donné de cruelles alarmes par sa lettre du 11. La vôtre du 13 était plus consolante. Heureusement elles nous sont parvenues toutes deux par la même poste. Mais je vois que ma soeur est toujours en dangé ce qui m’afflige sensiblement. Dite lui je vous prie tout l’intéres que je prends à sa situation. Je voudrais être àportée de la guarder et de lui rendre tous les services dont je suis capable. J’attands avec bien de l’impassience la poste de demain, j’espère que vous nous marquerez qu’elle est hor d’affaire. Quoi que délicate elle a de la force, je lui ai vu des maladies violantes dont elle s’est bien tirée. J’espère en son tempérament.

Je sens combien l’éloignement est affreux dans de pareilles sirconstences. On s’inquiète lors que l’on devrait se réjouir, et l’on se rassure quel que fois quand on devrait s’affliger.

Dites je vous prie à Monsieur de Florian que je partage sa douleur et la vôtre bien vivement et que je suis désollée de ne pouvoir lui être utile dans une occasion aussi triste pour nous tous.

Je songe à la boete de Mme Dhornois, on a écrit à Lauzane et quand elle me sera parvenue je la lui enverai. Je ne vous parle point de mon Oncle par ce qu’il doit vous écrire un peti mot dans cette lettre. Adieu mon cher neveu, je vous embrasse et vous aime de tout mon Coeur.

Je suis dans des transes. La lettre de M. de Florian m’a fait encor frissoner autant qu’elle m’attendrit. J’embrasse ma chère nièce faible et languissante. Quand poura t’elle aller à Paris? Nous conjurons mr Dhornoy ou notre cher Turc de nous écrire. J’ay vu l’édit. Laissez là touttes ces misères, ce sont tracasseries qui passent. La santé, la santé, le bien être de nos parents et de nos amis, voilà le point important, le reste est peu de chose. J’ay eu le pauvre avocat général de Bordeaux dans mon voisinage de Pierre Encise. J’espère l’avoir bientôt chez moy. Adieu, je vous embrasse tous bien tendrement. Comment vous va dans ce moment ma chère nièce? Qu’il est dur d’être à cent cinquante lieues de vous!

V.