1758-08-16, de Marie Louise Denis à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

S'était à moi Madame à vous remercier de l'honneur que vous aviez fait aux Délices.
Nous brûlons tous d'envie de vous y revoir, mais je n'ai pas voulu vous ennuier d'une lettre sans pouvoir vous mender quel que chose de positif.

Mon Oncle m'écrit du 9 de Strasbourg qu'il y passera trois jours, deux à Colmar, deux à Soleur, et qu'il compte sans faute être à Lauzane les derniers jours de ce mois. En conséquence nous partons dimanche 19 pour Prangein. J'y resterai le lundi et je serai le mardi au soir à Lauzane, enchantée de vous revoir et de vous faire ma cour. Peutêtre que d'ici à ce temps là je recevrai encor quel que lettre dont j'aurai l'honneur de vous faire part à Lauzane.

Nous descidrons pour lors Madame s'il y a moien d'aller au devant de lui. Enfin je serai à vos Ordres. J'envoie à Mr de Labate le grand mémoir alemant. Je n'ai ausé jetter les yeux dessus. Vous seulle pouvez Madame me raccomoder avec cette langue, et je serais capable de l'apprendre pour jouir du plaisir de vous entendre.

Je n'ai point oublié vos médailles et je vous les porterai à Lauzane. Mr et Mme Darmanche nous quitent demain, ils vous présentent leur respects. Nous n'avons point de nouvelle, on croit le roy de Prusse fort embarassé. On s'attand toujours à quel qu'événement singulier. J'espère qu'il nous en viendra d'heureux. Les genevois voudroient une bataille toutes les semaines pour politiquer à leur aise. J'ai vu Madame depuis votre départ des gestuites, des comédiens, des ministres, des sitoiens, mais rien n'a pu me consoller de vous avoir perdue. Vous charmez l'esprit, vous remplissez le coeur. Je ne peux me consoller d'imaginer que vous serez à Viene dans six semaines. Je voudrais disposer du Conseil aulique pour vous rendre ces belles terres où certenement nous yrions vous faire notre cour. Vous me mettriez au point d'aimer l'Alemagne à la follie. Conservez moi vos bontez Madame, j'irai vous les demender et vous renouveler tous les sentimens que vous m'inspirez. Ma soeur voudroit vous dire combien vous lui causez de regrets. Elle se flate que nous vous ramènerons aux Delices; et que nous jouirons du moins du peu de temps que vous donnerez à la Suisse.

Mon neveu [et] Mr de Florian vous assurent pe leur respects. J'ai vu le docteur, nous n'avons parlé que de vous madame. Vous l'avez entièrement converti. Il est à vous à jamais.

Denis