1758-09-01, de Marie Louise Denis à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Je suis désollée Madame de la robe à la gésuite.
Je vous l'ai envoiée telle qu'on les porte en France. Celle de Mme Tronchain est à l'anglaise et je m'étais figurée qu'une bonne autrichene n'adopterait plus leur mode. Depuis votre lettre j'ai fait de mon mieux pour avoir celle de Mme Tronchain, elle est à la campagne, il n'y a pas moien. Mais il vous sera facile lors que vous serez à Geneve, c'est à dire aux Delices, d'avoir des models tels que vous les voudrez.

Nous avons eu un monde si prodigieux depuis notre arrivée que la teste m'en tourne. Je vais commencer par vous parler de notre ami Tronchain, il a diné avec nous aujourdui et m'a dit cent choses aimables pour vous. Vous avez fait sa conqueste et je l'en aime davantage, je ne serai pas jalouse, je sçai gré aux gens que j'aime d'appercevoir le mérite et d'y rendre homage, j'aime que leurs goûts se raportent aux miens et j'ai lieu sur ce qui vous regarde d'être fort contante de mon Docteur. Le grand Cramer avec son air modeste et fin me demende sans cesse le temps où nous aurons le bonheur de vous posséder.

Je m'intéresse beaucoup Madame à l'histoire de vos cofres, sont ils arrivés? avez vous trouvé toutes les paperasses nécessaires pour jouir un jour de la tranquilité? Pouvons nous espérer d'avoir l'honneur de vous voir? dans quel temps? J'espère que vous le menderez à Mon Oncle. Il est toujours plus aimable que jamais. Son esprit est aussi vif avec ses deux nièces que s'il était avec une assemblée devant qui il voudrait briller. Mais il ne le veut jamais et brille toujours.

Le peti comte tâche de charmer l'ennui que lui cause votre apsence en venant souvant aux Delices. Mon Oncle le trouve fort aimable. Il ne pouvoit être autrement Madame puis que c'est sous vos ospices qu'il a paru dans ce païs ci. Il vous désire beaucoup ainsi que tous les gens qui ont l'honneur de vous connoître. Nous avons beaucoup parlé de vous aujourdui Madame avec Mr Dangeuil, qui a eu l'honneur de vous voir souvant à Viene. C'est un homme d'esprit qui paroît voiager avec fruit.

Je ne vous parle point de tous nos malheurs, vous savez que Louisbourg est pris, que 13 mille anglais dit on sont à Embdene, il faut s'étourdir et prendre passience mais la miene sera bientos à bout Madame si vous nous tennez encor longtemps Rigueur. Ma soeur me charge de vous dire qu'elle partage mes sentimens. Je ne vous dis rien pour mon Oncle, il dit bien mieux que moi. Mr de Florian et mon neveu vous assurent de leurs respects.