ce 2 janvier 1762
Je ne saurais trop vous aimer vous Monsieur et Monsieur Tronchain, vous me rendez tous deux à tout moment des services essantiels, aussi mr Tronchain m'assure que je suis de la famille et je suis bien heureuse d'avoir aquis d'aussi bons parens.
Je suivrai de point en point ce que vous me dites pour ma capitation.
J'ai fait mes réflections sur l'habbit de preitresse dont j'ai besoin. Ces demoiselles de Paris me feroient peutêtre un habbit fort cher, et je veux commencer à être fort ménagère. Voulez vous bien monsieur mettre en action la bonne volonté que vous avez éû de me faire faire cet habbit de preitresse sur celui de Mlle Cleron qui est à Lion. Il me faut le voile, la coefure, enfin tout l'attirail, mais je vous demende en grâce de me mender ce que cela coûtera auparavant de l'entreprendre. Je vous serais bien obbligée. Sur ce que vous me menderez je me déterminerai. Je ferai les habits des prêtresses des cueurs d'une petite étoffe de laine d'Engletere. Cela est plus facile à trouver à Geneve qu'ailleurs. Demendez à Mlle Destouches si Mlle Cleron avait des diamans à la teste, au col et aux Oreilles. Encas qu'il en faille à l'habbit il faudra marquer les endroits où il faut les plasser. Enfin je suis résolue de me coefer et de m'abiller exactement comme Mlle Cleron dans Iphigenie. Ainsi il faut m'envoier de quoi me coefer et ce qu'il faut pour mettre autour de mon col si l'on n'y peut pas mettre de diamans.
Vous aurez la bonté de m'envoier avec cet habit les petis chapaux et la gaze geaune et argeant. Pardon de la peine que je vous donne. On m'assure qu'il faut des fleurs aux prêtresses. Ainsi je coueferais touttes les prètresses des Coeurs en fleurs comme moi. Vous m'enverez, pour les prêtresses des coeurs, des fleurs qui ne soient pas bien cher. Demendez à Mlle Destouches comment les sienes étoient abbillées, lors que Mlle Cleron jouat Iphigenie à Lion, et je suivrai ce qu'elle me prescrira. Mlle Corneille m'embarasse. Je veux la mettre un peu mieux que les autres preitresses, et pas si bien que moi, car elle n'a que trois vers à dire. Demendez encor conseil à Mlle Detouche et priez la de vous dire comment je dois faire l'habbit de Mlle Corneille. Il faut convenir que j'abbuse bien de votre passience.
Pardonnez moi touttes mes imprudences. Ne doutez pas de ma reconnoissence et des sentimens avec les quels j'ai l'honneur d'être Monsieur
Votre très humble et très obbéissente servente.
Denis
La Marmote vous fait et à mr Tronchain mille tendres complimens.
Je vous enverai, par le carosse qui part de Geneve Mardi un model de Corset allant bien à ma taille et un pour Mlle Corneille avec nos longueurs des jupes sur le côté et sur le devant.