ce 30 mars des Delices
Vous m'avez écrit une lettre charmente Monsieur et je me reproche d'avoir eu la paresse de n'y pas répondre sur le champ. Je suis désollée de n'être pas témoin de vos succès, on m'en parle sans cesse, et on renouvelle mes regrets et mes plaisirs, par le ressouvenir de ceux que j'ai éprouvé à vous entendre.
Non je ne croirai pas que Mlle Clairon aille jamais en Russie. Il serait affreux de risquer sa santé qui n'est déjà pas trop bonne et de prodiguer ses talens dans un païs où le goût n'est pas encor assez formé pour en sentir tout le prix. Je ne doute pas que l'on ne lui fasse un sort agréable à Paris. Il est vrai que ce qu'elle demende n'est pas praticable. Mon Oncle vient d'acheter deux terres, il y en a une à une petite lieux de Geneve où nous allons faire un théâtre. Je vous avoue que je serais bien enchantée d'y jouer un jour avec vous, et je n'en désespère pas. Si vous alliez à Dijon ou à Lion, il serait bien doux de passer huit jours ici, nous saurions tous nos rôles et mon Oncle en prendrait un. Enfin c'est une illusion si agréable que je ne peux me refuser de m'en amuser. Ma soeur nous a quitée avant hyer, elle sera à Paris au plus tard le quinze d'avril. J'ai été très affligée de me séparer d'elle. Elle m'a promis que la première chose qu'elle ferait serait de vous faire une visite à la comédie, je voudrais être de la partie.
Adieu Monsieur, comptez sur l'amitié de Mon Oncle et sur la miene, et que personne n'est avec plus d'attachement que moi,
Votre très humble et très obbéissente servente
Denis