ce 28 février [1762] de Fernex

J'écris à M^r le duc Daumon Monsieur, et je vous envoie ma lettre.
Faites la lui donner par m^r Dargental si cela lui convient. Si non présentez lui vous même, si M^r Dargental le trouve àpropos. Vous étes sur les lieux et vous pouvez bien mieux juger que moi de ce qui convient. M^r de Ximenes m'assure que vous êtes toujours dans la résolution de nous venir voir à pasques. Je vous attends avec grande impassience, et mon oncle désire autant que moi de vous posséder à Fernex. Je demende à M^r le duc Daumon un congé pour vous de huit jours. C'est à dire que vous deveriez être à Paris le 19 lendemain du dimenche de la Casimodo, et je demende votre congé jus qu'au lundi suivant qui sera le 26 avril. Vous pouriez jouer en passant la semaine de la passion à Lion. Vous passeriez la semaine seinte à Fernex, nous l'emploierions à répéter. Nous jouerions le mardi de la semaine de pasque, le jeudi, le samedi, et le lundi, ce qui fait quatre représantations. Vous partiriez le mardi, et vous seriez très facilement le dimenche 25 du mois à Paris. On y va d'ici en 5 jours, j'en mets un de plus pour les accidans.

Nous jouerions Semiramis, Tancrede, Gengis Kan et Cassandre. Je vous annonce que Mon Oncle ne vous donnera point Cassandre, que vous ne veniez le chercher. Il y est très résollu. Deplus mon Oncle à d'autres ouvrages singuliers pour les quels il veut apsolument vous parler. En un mot Monsieur Mon Oncle ne peut pas croire que l'on puisse vous refuser un Congé lors qu'il est question de le venir trouver pour des affaires qui regardent le théâtre, il le traite assez bien pour qu'on lui donne cette satisfaction, et je vous déclare que vous n'aurez point Cassandre que vous ne le veniez chercher.

Viendrez vous seul, viendrez vous avec le marquis de Ximenes? Mendez moi si vous voulez que je vous fasse toucher 25 louis à Paris avant votre départ. Vous trouverez à Fernex un très joli théâtre où l'on peut tout jouer, une salle charmente, l'oncle et la nièce qui vous aiment toujours, et une foule de gens qui meurent d'envie de vous entendre.

Je sçais Semiramis, Amenaide, Idamé, et Olimpie. Je me fais un plaisir extrême de jouer avec vous, tous les rôles seront sçus. Je ne doute pas du prograis que je ferai lorsque je vous aurai entandu. Mon Oncle s'en fait un plaisir extrême, et surtout de vous entendre jouer Cassandre. Il jouera le grand prêtre, encor le grand praitre dans Semiramis, Zameti dans Gengis, et le père dans Tancrede, vous aurez la bonté d'apporter vos habits. Vous voilà bien au fait, mendez moi viste si ma lettre auprès de m^r Daumon aura réussi. Mon Oncle lui aurait écrit s'il n'avait pas un peu de goute à la main, mais il n'y avait pas de temps à perdre, et il m'a chargé de cette négotiation, parlez en à M^r Dargental, je suis bien sûr qu'il la favorisera. Il n'est occupé que du soin d'obbliger mon Oncle, et c'est un ami bien précieux pour nous.

J'attands de vos nouvelles Monsieur. Ne doutez pas de notre amitié et de l'attachement avec le quel je suis Monsieur Votre très humble et très obbéissente servente

Denis