ce 13 janvier [1755] de Prangein par Nion en Suisse
Je suis pénétrée Monsieur de l'ofre obligente que vous m'avez fait par mon beau frère mais je ne suis pas assez heureuse pour en profiter.
Je suis bien loin d'oser demender à Mr de Voltaire 36 mille francs à emprunter pour les mettre à fond perdu. C'est un idée de mon beau frère qui n'envisage jamais que mon bien être, mais qui connais mal le terrain. Mr de Voltaire est assurément la personne que j'aime le mieux dans le monde et la dernière de toute à qui je ferais une pareille demende.
Mr Denis me mende qu'il a tiré ses fonds de vos mains, j'en suis très fâché pour l'amour de lui et je souhaite qu'il ne s'en repente pas.
Nous sommes ici dans une terre d'emprun. Je ne sçai combien nous y resterons. Il fait un froit mortelle qui altaire ma santé. Pour ma consolation je me flate qu'il fait froit aussi à Paris. Nous sommes comme vous le croiez bien dans une solitude extrême, mais cette vie là ne me déplairait pas si je me portais bien. Mon Oncle a été fort acoeulli ici aussi bien que dans tous les endroits de la France où il a passé et surtout à Lion, où nous avons été près d'un mois. Je ne suis pas trop en état dans ma position de vous dire des nouvelles mais je ne puis trop vous renouveller les sentimens de reconnoissence et d'attachement avec les quels j'ai l'honneur d'être
Monsieur
Votre très humble et très obbéissente servente
Denis
Mon Oncle me permet Monsieur de vous prier de donner à Mr Denis six cent franc qu'il a paié pour moi à Mr de Magenville pour le terme de pasque à la St Gean de 1754 et que Mr de Voltaire devoit paier encor quoi que son baille fût expiré à pasque par ce que ses meubles ont été dans la maison jusqu'à la St Gean et qu'il ne m'a pas été possible de louer pour pasque. Vous savez que je vous dis dans le temps que mr de Voltaire étoit convenu de paier ce terme et j'avais cru que vous le metteriez sur l'ancien compte. Mettez le s'il vous plais sur votre nouveau et donnez les 600lt à mr Denis. Tout sera en raigle.
Denis