ce 5 aoust [1755] aux Délices
Mon oncle me charge Monsieur de vous prier de vouloir bien paier pour lui à Mr Denis mon beau frère la somme de 721lt 9s 6d. qu'il a débourcé pour des emplettes de meubles qu'il lui a envoié, dont il vous donnera son reçu.
Je suis fort aise de sesir cette occasion pour jouir du plaisir de vous demender de vos nouvelles, car il y a un siècle que je n'ai reçu de vos lettres. Nous sommes dans une retraite assez agréable. Mon Oncle l'a beaucoup embeli. Il ne connoissoit pas le plaisir d'avoir des ouvriers, il en a bien usé depuis quatre mois. Dieu merci cela va bien tos finir. Je vous prirai Monsieur de vouloir bien dire à Mr Denis à peu près où en est cette direction des biens de Mr Bernard, et si l'on peut espérer une fin prochaine à cette affaire. Il m'en demende souvant des nouvelles et je ne sçai que lui répondre. Nous passerions ici une vie bien douce s'il ne se trouvoit pas dans tous les païs du monde des gens faits pour tourmenter mon oncle. On s'amuse à répandre dans Geneve des vers infâmes sous son nom en disant qu'ils sont de la Pucelle. On s'est servi pour cette belle œuvre d'un nommé Gresset qui a été garçon libraire à Geneve. Ces vers sont aussi mal faits qu'indessans. Ils attaquent la religion et plusieurs amis intimes de mon Oncle. Il a heureusement eu une satisfaction entière du Conseil de Geneve. Il a demendé qu'on condanna l'homme et les vers, ce qui a été fait, et l'homme est banni de la ville, ainci peut-être cette percécution finira t'elle à la fin.
Adieu monsieur ne doutez jamais des sentimens de reconnoissence et d'attachement avec les quels j'ai l'honneur d'être monsieur votre très humble et très obbéissente servente.
Denis