ce 12 10bre [1763] du château de Fernex
Vous nous faite Monsieur des propositions dont nous aurions bien envie de profiter si la santé de Mon Oncle et la miene pouvoient nous le permettre, mais nous sommes obbligés d'être casaniers.
Mon Oncle a une fluction sur les yeux depuis longtemps qui ne se guérit point. Mme Dupuits est grosse et ne peut aller en carosse. Nous sommes si paresseux que nous n'irons pas même aux Delices cet hyver. Je sens que ce serait mésuser de votre complesence et de votre amitié que de vous proposer et à Mme Darmanche de nous faire l'honneur de venir passer quel que temps cet hyver dans notre peti château. Je n'ai point de plaisir à vous y offrir. Les portes de Geneve qui se ferment nous mettent dans l'impossibilité de jouer la comédie àmoins que de passer la nuit ce que notre santé et celle de Mme Dupuits ne peuvent nous permettre. De plus les querelles continuelles de Geneves ne nous engagent point à leur procurer des plaisirs. Nous menons une vie assez sédantaire, notre maison est composée de mr, mme, mlle Dupuits, d'un ex gesuite, mon Oncle et moi, et des amis qui de temps en temps vienent passer quel que jours avec nous. Vous me trouverez Monsieur bien hardie de vous proposer et à mme Darmanche de nous faire l'honneur de venir partager une vie aussi simple. Si cependand dans le courant de janvier ou de faivrier vous vous sentiez l'un et l'autre assez de courage pour vous faire hermites avec nous, les solitaires de Fernex vous resseveroient à bras ouverts, et seroient enchantés de jouir de votre complesence et d'une marque d'amitié de votre part aussi complette. Je vous propose jenvier ou février par ce que nous aurons ce mois ci des architectes, des commissaires à terrier, tous gens très ennuieux que je serais fort fâchés de vous faire rencontrer et qui me voleroient une partie du temps que je voudrois n'emploier qu'à jouir de vous et de Madame Darmanche.
Mme Constant est enfin revenue à Mr Tronchain, elle le voit avec Jolli. Sa situation est toujours la même, on dit que Mr de Berché ne va point à Toulouse et que Mme de St Sierge est malade. Je prends toujours beaucoup d'intéres aux personnes de Lauzane dont j'ai reçu tant de politesse. Ne m'oubliez pas je vous prie auprès de Mme Daubonne et de Mr et Mme la Marquise de Genti et ne doutez jamais Monsieur des sentimens avec les quels j'ai l'honneur d'être.
Votre très humble et très obbéissente servente
Y a t'il longtemps que vous n'avez reçu des nouvelles de Mr le preince de Ligne? il m'a fait l'honneur de m'écrire, je lui ai répondu mais je crains d'avoir mal adressé ma lettre. J'en serais désollée.
Denis