1771-09-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Le Rond d'Alembert.

Mon cher ami, voicy donc de quoi éxercer la philosophie.
La Harpe persécuté pour avoir fait un chef d'œuvre d'éloquence dans l'éloge de Fenelon! J'ai eu de la peine à croire cette avanture; vous me direz que plus elle est absurde plus je la dois croire, et que c'est le cas du credo quia absurdum. Cette extravagance aura t-elle des suittes? l'académie agira t-elle? est-ce à l'académie qu'on en veut? la chose est elle sérieuse, ou est-ce une plaisanterie? Je vous demande en grâce de me mettre au fait, celà en vaut la peine.

Nous avons icy Madame dix neuf ans dont vous êtes le médecin. Elle a perdu de son embonpoint, mais elle a conservé sa beauté. Son mari nous a dit des choses bien extraordinaires; tout deux sont très aimables; ils méritent de prospérer et ils prospéreront. Pour moi je me meurs tout doucement. Bonsoir mon très cher et très grand philosophe.

J'ajoute que Laharpe m'aiant pressé très vivement d'écrire à M. le chancelier, j'ai pris cette liberté, quoi que je la croie assez inutile. Mais enfin, je lui ai dit ce que je pensais sur les discours académiques, sur la Sorbonne, et sur l'Enciclopédie.