5e 7bre 1775
Mon cher et illustre ami, je vous avoue que lorsque je lus l'éloge de Fenelon je crus fermement que vous n'iriez jamais au delà L'éloge de Catinat m'aprend que je me suis trompé.
Je dis aujourd'hui que vous ne ferez jamais mieux, et vous me détromperez encor à la première occasion.
J'en dis à peu près autant de vos vers. Vous voilà ma foi, mon cher ami, au premier rang, et remarquez, je vous prie, que les hommes de Dieu vous éprouvent toutes les fois qu'on vous couronne. L'avanture de Joseph, controlleur général des finances d'un pharaon, pris pour St Joseph, le digne époux de Marie, est une des bonnes scènes d'Arlequin qui aient jamais été jouées. Des gens très instruits m'assurent que cette énorme bêtise est le fruit de la cabale qui cherche à mordre les talons de Monsieur Turgot lorsqu'elle est écrasée par ses vertus. Que Dieu nous conserve Monsieur Turgot et Monsieur De Malzherbes! Les méchants et les sots ne seront plus à craindre.
Bonsoir, mon digne ami; que vôtre bonheur soit égal à vôtre gloire. Buvez à ma santé avec Monsieur De Vaines, je m'en porterai mieux.