1776-03-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean François de La Harpe.

Mon cher ami; je vois bien que la destinée a ordonné que vous me succéderiez.
Cependant, je vous aurais encor mieux aimé pour mon confrère que pour mon successeur. Vous vivez dans un singulier tems, et parmi d'étonnants contrastes. La raison d'un côté, le fanatisme absurde de l'autre; des lauriers à droite, des bûchers à gauche; d'un côté le temple de la gloire, et de l'autre des préparations pour une st Barthélemy; un controlleur général qui a pitié du peuple, et un parlement qui veut L'écraser; une guerre civile dans tous les esprits; des cabales dans tous les tripots. Sauve qui peut. Pour moi je ne suis pas encor assez loin.

S'il y a quelque chose d'intéressant, je vous demande en grâce de m'en instruire sous l'envelope de Mr De Vaines qui pense comme il faut, et qui vous aime comme il le doit.