1775-11-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean François de La Harpe.

Mon cher successeur, ou plutôt mon maître, vous réussirez toujours à la pointe de l'épée.
Il faut que vous passiez votre vie à vous battre comme le maréchal de Saxe. La cabale vous attend de pied ferme à Paris. Ce sera la journée de Rocoux. Il y a dans la nation un esprit de vertige qui a fait aplaudir des pièces barbares et plattes. L'entousiasme pour le siège de Calais est aussi déshonorant que la bataille de Crecy. Vous seul corrigerez un peuple inconstant et frivole, qui ne sait prèsque jamais ce qu'il veut ni ce qu'il pense.

Les aplaudissements des personnes principales et désintéressées sont de sûrs garants de la victoire que vous remporterez à Paris.

On me mande que le pauvre abbé de Voisenon se meurt. Si nous avons le malheur de le perdre, je me flatte que vous serez mon confrère aulieu d'être mon successeur à l'académie. Je vous embrasse de tout mon cœur, en attendant que j'aie le plaisir de relire Menzicof.

Ne les dédierez vous pas à la Reine, pour faire enrager vos ennemis? Courage, courage!

V.