à Ferney, 12 juin 1773
J’ai le capitaine Lawrence; ce n’est pas là ce qu’il me faut.
Personne ne lit les détails des combats et des sièges; rien n’est plus ennuyeux que la droite et la gauche, les bastions et la contrescarpe. J’ai de meilleurs mémoires que toutes ces minuties des horreurs de la guerre. Il faut amorcer le lecteur par des choses intéressantes, sans quoi on ne tient rien.
J’ai un Holwel, un Scrafton. Il s’agit de faire un ouvrage attachant, une histoire qui ait l’air simple et qui touche le cœur; point de partialité, mais beaucoup de vérité. On est perdu pour peu que l’ouvrage ait la moindre ressemblance avec un factum d’avocat. Une pareille histoire d’ailleurs doit être courte, quoique pleine; elle doit avoir, comme une tragédie, exposition, noeud et dénoûment, avec épisode agréable.
Je finirai par vous dire, mon cher correspondant, Si vous voulez voir un beau tour, faittes le; mais si vous ne le faittes pas je le ferai.
Je trouve le jugement de Mr De Morangiés absurde, mais que diable allait il faire dans cette galère? Quelque parti qu’on prît, il semble qu’il n’y a que Dieu seul qui pût juger ce procez.