1766-05-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Jacques Élie de Beaumont.

Mon cher Ciceron, je suis pénétré de vos attentions, et très affligé de la maladie que vous avez essuiée.
Je vous félicite de n'avoir point été chargé de la cause de L'Ally qui a été si malheureuse. Vous n'êtes fait que pour les triomphes. J'augure très bien du procez de Mr De La Luzerne, puisque vous l'avez entrepris. Quant à celui des Sirven le mémoire paraîtra toujours assez tôt pour faire un très grand éffet dans le public. Ce public est toujours juge en première et dernière instance. Un mémoire attachant, éloquent, bien raisonné, le persuade, et quand le cri public s'élêve et persévère il force les juges à faire justice. D'ailleurs, ce mémoire pour les Sirven ne se borne pas à une seule famille. Tous les pères de famille y sont intéressés, c'est la cause de la nation, c'est celle de la tolérance, c'est le combat de la raison contre le fanatisme; vous écrasez la dernière tête de L'hydre. Enfin, je suis toujours persuadé vôtre factum mettra le sceau à la grande réputation que vous vous êtes déjà faitte. Je ne sais quel sentiment m'intéresse d'avantage ou la pitié pour les Sirven, ou mon zèle pour vôtre gloire.

Mille respects à vôtre illustre et aimable compagne.

V.