1769-07-10, de Joseph Audra à Voltaire [François Marie Arouet].

Je devrais, mon vénérable patriarche, tarder encore à vous écrire, puisque je ne puis vous donner des nouvelles positives de mr Sirven.
Il est allé courir à droite et à gauche; et mr Lacroix reçut hier une lettre de lui datée de Montpeiller où il est allé consulter la faculté de médecine sur le rapport des jurés de Mazamet. Ce pauvre homme est dans les transes que doit lui causer une affaire aussi importante que la sienne. Le proverbe, chat échaudé craint l'eau froide, est son excuse. Peut-être qu'à sa place je n'aurais pas une meilleure tête que la sienne.

Si vous croyez que le commandeur Dejars et la dame si maltraitée par les parisiens ayent donné le jour à l'homme au masque de fer, faites le moi entendre. Si vous avez quelques connaissances plus détaillées au sujet du bourgmestre Hudde, lettré chinois, et au sujet du Portugais Moro, dites le moi.

Je pense comme vous que nous plaçons dans notre chronologie des personnages qui n'ont jamais existé. Cependant nous connaissons d'autres personnages très réels tels que Minos dont nous avons une époque assez déterminée. D'ailleurs les temps historiques de la Chine sont incontestables. Sur le tout il est bien certain que la première époque de notre sagesse commence à Voltaire et qu'elle a l'air de durer toujours.