18 9bre 1768
Mes anges avaient très grande raison de s'endormir comme au sermon aux deux premières scènes du 5e acte des Guebres; le diable qui affligeait alors le petit possédé, était un diable très soporatif, un diable froid, un diable à la mode.
Ces scènes n'étaient que des jérémiades où l'on ne faisait que répéter ce qui s'était passé et ce que le spectateur savait déjà. Il faut toujours dans une tragédie que l'on craigne, qu'on espère à chaque scène; il faut quelque petit incident nouveau qui augmente ce trouble; on doit faire naître à chaque moment dans l'âme du lecteur une curiosité inquiète. Le possédé était si rempli de l'idée de la dernière scène, quand il brocha cette besogne, qu'il allait à bride abattue dans le commencement de l'acte, pour arriver à ce dénoûment qui était son unique objet.
A peine eut il lu la lettre céleste des anges, qu'il refit sur le champ les trois premières scènes qu'il vous envoie. Il ne s'en est pas tenu là, il a fait au 4e acte des changements pareils; il polit tout l'ouvrage. Ce n'est plus le seul Arzemon qui tue le prêtre, c'est toute la troupe honnête qui le perce de coups. Il n'y a pas une seule de vos critiques à laquelle votre exorcisé ne se soit rendu avec autant d'empressement que de reconnaissance. Le diable de la chose impossible n'était pas plus docile.
A l'égard des adoucissements sur la prêtraille, c'est là véritablement la chose impossible qui est au dessus des talents du diable. La pièce n'est fondée que sur l'horreur que la prêtraille inspire, mais c'est une prêtraille païenne. Mahomet a bien passé, pourquoi les Guèbres ne passeraient ils pas? Si on craint les allusions, il y en avait cent fois plus dans le Tartuffe.
Trouveriez vous à propos que Marin montrât la pièce au chancelier, ou plutôt que quelqu'un de ses amis la lui confiât comme un ouvrage posthume de feu la Touche, auteur de l'Iphigénie en Tauride? Un homme fraîchement sorti du parlement ne s'effrayera pas de l'humiliation des prêtres. Il m'a écrit une lettre charmante sur le siècle de Louis 14.
A l'égard des acteurs, j'oserais presque dire que la pièce n'en a pas besoin. C'est une tragédie qu'il faut plutôt parler que déclamer. Les situations y feraient tout, les comédiens peu de chose; et le sujet est si piquant, si intéressant, si neuf, si conforme à l'esprit philosophique du temps, que la pièce aurait peut-être le succès du siège de Calais, et du Catilina de Crébillon, quoique ces deux pièces soient inimitables.
Il y a plus encore, c'est que cette tragédie pourrait faire du bien à la nation. Elle contribuerait peut-être à éteindre les flammes où le chevalier de la Barre a péri, à la honte éternelle de ce siècle infâme.
Si on ne peut jouer les Guebres, il se trouvera un éditeur qui la fera imprimer avec une préface sage dans laquelle on ira au-devant de toutes les allusions malignes. Un jour viendra que les Welches seront assez sages pour jouer les Guebres. C'est dans cette douce espérance que je me mets à l'ombre de vos ailes avec toute la tendresse imaginable.
Est ce Villars qu'on appelle aujourd'hui Praslin? ou est ce Praslin auprès de Chalons?
Croyez vous que Moustapha l'imbécile déclare la guerre à ma Catau Sémiramis? Ne pensez vous pas que le pape aide sous main les Corses? Si vous ne faites pas rentrer l'infant dans Castro, je vous coupe une aile.
Et du blé, en aurez vous? Je vous avertis que j'ai été obligé de semer trois fois le même champ. L'évangile ne sait ce qu'il dit quand il prétend que ce blé doit pourrir pour germer; les pluies avaient pourri mes semences, et malgré l'évangile je n'aurais pas eu un épi. Je suis un rude laboureur.
V.