1770-12-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Monsieur,

Je me félicite bien de m’être rencontré avec vous: je vous avoue que j’avais écrit quatre lettres consécutives, & que j’avais toujours représenté que nous n’avions pas de quoi nourrir des troupes.

Votre approvisionnement fera grand bien. Les blés que le roi de Sardaigne accorde reviennent encore aux Genevois à un prix plus cher qu’on ne l’achète au marché de Gex, à cause de l’extrême rareté des voitures.

Nous serons probablement obligés de nous fournir à Lyon ou à Marseilles pour le printemps. Dieu veuille que les pluies & les débordements ne désolent point les provinces voisines; tout est à craindre.

Les querelles du parlement de Paris ne feront jamais croître un épi de blé. Si nous n’avons point de guerre, nous en aurons l’obligation à m. le duc de Choiseul, qui fait tout le bien qu’il peut, & que je regarde comme le premier homme de l’Europe.

Il n’est que trop vrai, monsieur, que les circonstances présentes ne sont pas plus favorables à l’édit de Versoix que les débordements ne sont favorables aux biens de la terre. C’est bien dommage; l’entreprise était belle, mais la cire verte enlacée de soie rouge & verte, ne se chauffe pas aisément pendant les pluies continuelles.

J’ai l’honneur d’être, &c.

Voltaire