9e auguste 1769
Grand merci de ce que vous préférez le mois d'auguste au barbare mois d'août; vous n'êtes pas Welche.
Je ne vous démentirai pas sur les Guebres, j'en connais l'auteur, c'est un jeune homme qu'il faut encourager. Il paraît avoir de fort bons sentimens sur la tolérance. Les honnêtes gens doivent rembarrer avec vigueur les méchans allégoristes qui trouvent partout des allusions odieuses: ces gens là ne sont bons qu'à commenter l'apocalypse; les Guebres n'ont pas le moindre rapport avec notre clergé qui est assurément très humain et qui de plus est dans l'heureuse impuissance de nuire.
Je ne crois pas que la comédie du Dépositaire que vous m'avez envoiée soit de la force des Guebres; une comédie ne peut jamais remuer le coeur comme une tragédie, chaque chose doit être à son rang.
Je ne crois pas que Lacombe vous donne beaucoup de votre comédie. Une pièce non jouée et qui probablement ne le sera point est toujours très mal vendue. En tout cas, mon ancien ami, donnez la à l'enchère.
Mes affaires sont plus que jamais dérangées par le voyage de Madame Denis.
Je ne sais rien de si mal écrit, de si mauvais, de si plat, de si faux, que les derniers chapitres de l'histoire du parlement; je ne conçois pas comment un livre dont le commencement est si sage peut finir si ridiculement. Les derniers chapitres ne sont pas même français. Vous me ferez un plaisir extrême de m'envoyer ces deux volumes de mélanges historiques par les guimbardes de Lyon et ayez la bonté de mettre ce petit envoi dans le compte de ce que je vous dois. Je vous plains de souffrir comme moi; mais avouez qu'il est plaisant que j'aie attrapé ma soixante et seizième année en ayant tous les jours la colique. Mon ami, nous sommes des roseaux qui avons vu tomber des chênes. Je vous embrasse de tout mon coeur.
V.