1769-08-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gottlob Louis von Schönberg, Reichsgraf von Schönberg.

Vous êtes trop bon, monsieur.
Il est vrai que j'ai eu un petit avertissement; il est bon d'en avoir quelquefois pour mettre ordre à ses affaires et pour n'être pas pris au pied levé. Cette vie-ci n'est qu'une assez misérable comédie. Mais soyez bien sûr que je vous serai tendrement attaché jusqu'à la dernière ligne de mon petit rôle.

Dès qu'il y aura quelque chose de nouveau dans nos quartiers, je ne manquerai pas de vous l'envoyer. Voyez si vous voulez que ce soit sous le contreseing de mr le duc de Choiseul, ou sous celui de mgr le duc d'Orléans.

Je voudrais bien que ce prince protégeât un peu les Guebres. Henri quatre dont il a tant de choses les protégea; et la dernière scène des Guebres est précisément l'édit de Nantes. Ceci n'est point un amusement de poésie, c'est une affaire qui concerne l'humanité. Les Welches ont encore des préjugés bien infâmes; il n'y a rien de si sot, de si méprisable qu'un Welche; mais il n'y a rien de si aimable et de si généreux qu'un Français. Vous êtes très français monsieur, c'est en cette qualité que vous agréerez mon très tendre respect.