1769-12-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Paul Claude Moultou.

Je vais répondre mon très cher philosophe à tous les points de vôtre Lettre.

Il n'a point encor été question au conseil d'un conventicule huguenot à Versoy. On n'en parlera qu'après l'arrangement ou dérangement de finances qui va se faire; et après l'extinction de certaines tracasseries qui sont trop longues.

Le Libraire qui s'est confié à des théologiens est un grand sot. Ce polisson croit donc être au tems de Calvin. Un jeune homme plein d'esprit qui a vu son manuscrit, prétend que rien n'est si plat et si obscur. Il dit que rien n'est plus capable de déshonorer la mémoire de vôtre ancien ami. Ne pouriez vous pas redemander en justice les manuscrits qui vous apartiennent en qualité d'exécuteur testamentaire?

Je vous fais mon compliment sur vos deux galériens. Si c'est par made la Duchesse Danville que vous êtes parvenu à cette bonne œuvre, cela prouve qu'elle a du crédit auprès de Mr de st Florentin. Si c'est par vous même vous ferez casser la révocation de l'édit de Nantes.

Je voudrais bien savoir comment le parlement de Toulouse a validé un mariage fait contre les loix du roiaume. Celà n'est pas dans l'ordre des possibles. Il faut qu'il y ait dans cette avanture des circonstances qui en changent totalement le fond.

Il est très vrai, Dieu merci, qu'il y a dans ce parlement une douzaine de magistrats aussi philosophes que vous.

Si on ne vous dit rien des Sirven, lisez la dernière Gazette de Berne, vous y verrez que le 17e 9bre Sirven a été élargi avec main levée de son bien; il en appelle au parlement pour avoir des dédommagements.

Je n'ai pas un seul éxemplaire de Dieu et les hommes.

Vôtre pauvre Charles Bonnet aurait grand besoin que ses parents le fissent interdire.

Voilà, mon cher ami, tous vos articles tirés au clair. Ce qu'il y a de plus vrai dans tout cecy c'est que je vous aime autant que je vous estime, et le tout sans cérémonie.

V.