25e 8bre 1777
Messieurs, et anges, laissez là votre Agatocle, cela n'est bon qu'à être joué aux jeux olympiques dans quelque école de platoniciens.
Je vous envoie quelque chose de plus passionné, de plus théâtral, et de plus intéressant. Point de salut au théâtre sans la fureur des passions. On dit qu'Aléxis est ce que j'ai fait de moins plat et de moins indigne de vous, si on ne me trompe pas. Si cela déchire l'âme d'un bout à l'autre comme on me l'assure, c'est donc pour Aléxis, que je vous implore, c'est ma dernière volonté, c'est mon testament; il est plus vrai que celui qui m'a été imputé par l'avocat Marchand. Je vous supplie donc messieurs et anges d'être mes exécuteurs testamentaires et les protecteurs de mon dernier enfant, tâchez que mr le maréchal de Duras fasse sa fortune. Agatocle pourra un jour paraître et être souffert en faveur de son frère Aléxis, mais à présent mes chers anges il n'y a qu'Aléxis qui puisse me procurer le bonheur de venir passer quelques jours avec vous, de vous serrer dans mes bras, et de pouvoir m'y consoler.
Mr de Villette votre voisin qui est à Ferney depuis quelques jours et qui a été témoin de la naissance d'Aléxis, prétend que le nom de Bazille est très dangereux depuis qu'il y a eu un Bazille dans le barbier de Séville. Il dit que le parterre crie quelquefois, Bazille, allez vous coucher et qu'il ne faut avec des Welches qu'une pareille plaisanterie pour faire tomber la meilleure pièce du monde. Je ne connais point le barbier de Séville, je ne l'ai jamais vu; mais je crois que mr de Villette a raison. Il n'y aura qu'à faire mettre Léonce au lieu de Bazille par le copiste de la Comédie supposé que ce copiste puisse être employé. Heureusement le nom de Bazille ne se trouve jamais à la fin d'un vers, et Léonce peut suppléer partout. Voilà je crois le seul embarras, que cette pièce pourrait donner. Il y a peut-être quelques vers qu'on pourrait soupçonner d'hérésie, mais si quelques théologiens s'en scandalisent, je les rendrai orthodoxe par un tour de main. Je me jette entre vos bras comme un homme qui revient d'un voyage de long cours n'ayant d'autre ressource que dans votre amitié. Si vous ne prenez pas cette affaire avec vivacité, avec emportement, avec rage, je suis perdu.
Je me mets mon cher ange bien sérieusement à l'ombre de vos ailes. J'envoie le manuscrit de Constantinople au quai d'Orsay par mr de Vaine. On m'a dit qu'il était encore en place jusqu'au mois de janvier. Faites vous rendre le paquet, et ayez pitié de
V.