1764-09-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Divins anges vous devez avoir reçu des fatras tragiques, permettez que je vous parle d'un fatras de prose.
C'est un dictionaire philosophique portatif qu'on m'attribue, et que jamais je n'aurai fait. Cela est rempli de véritez hardies que je serais bien fâché d'avoir écrites. Mr Marin peut aisément empêcher que ce diabolique ouvrage n'entre chez les Welches. Si vous daignez luy dire, ou lui faire dire un mot je vous serai très obligé. Il faut surtout qu'il soit persuadé que cette œuvre infernale n'est point de moy. Si j'étais l'autheur de tout ce qu'on met sur mon compte. j'aurais à me reprocher plus de volumes que tous les pères de l'église ensemble. Le petit exjésuite est toujours au bout de vos ailes. Il attend les cinq — plus le trois — plus la première page du cinq. Cet opiniâtre candidat dit toujours qu'il n'en démordra pas, dût il travailler deux ans de suitte. C'est bien dommage que cela soit si jeune. On a de la peine à le former. Mais sa docilité et sa patience lui tiendront lieu de talent. Vous ne sauriez croire mes anges combien il vous aime.

N'avez vous pas une très belle maison sur ce quai d'Orsay? et ce quai d'Orsai ne va t'il pas à la Grenouilliere?