1764-08-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d'Argental.

Vous avez probablement divins anges reçu le gros paquet adressé à M. le duc de Pralin.
Vous devez être las des fatras de mon exjésuite. Il n'y a que vos excessives bontez soutenues de l'amour du tripot qui puissent combatre le dégoût que doit vous donner cette œuvre tant rapetassée. Pour moy je n'en suis plus juge, et à force de regarder, je ne vois plus rien. M. l'ambassadeur persiste toujours dans son goust pour les rouez, mais il est comme moy chez les allobroges, et il se peut que dans la disette du bon, il trouve le mauvais passable.

On me mande que la pauvre comédie française est déserte, et qu'il faut que vous vous en teniez dorénavant à L'opera comique. Vous êtes, en tout sens, dans le temps de la décadence. Continuez o Welches. Je viens de lire deux nouvaux tomes de l'histoire de France. Maimbourg, Daniel, sont des Titelives en comparaison de cette rapsodie ampoulée. Tout est du même genre. Je ne veux plus rien écrire du tout de peur que la maladie ne me gagne.

Est il vrai que le marquis frère de la marquise n'a plus les bâtiments? et que tous les artistes le regrettent? Les mémoires de ce fou de Deon courent l'Europe. Nouvel avilissement pour les Welches.

Que faire? Cultiver son jardin, mais surtout conserver ses dixmes. Je vous implore contre la sainte église.