19e 7bre 1764
Mon cher frère, je reçois vôtre Lettre du 13 par la quelle vous me demandez un Dictionnaire philosophique.
Ce dictionaire éffarouche cruellement les dévots. Je ne veux jamais qu'il soit de moi; j'en écris sur ce ton à Mr Marin qui m'en avait parlé dans sa dernière lettre; et je me flatte que les véritables frères me seconderont. On doit regarder cet ouvrage comme un recueil de plusieurs auteurs, fait par un éditeur de Hollande. Il est bien cruel qu'on me nomme; c'est m'ôter désormais la liberté de rendre service. Les philosophes doivent rendre la vérité publique, et cacher leur personne. Je crains, surtout, que quelque libraire affamé n'imprime l'ouvrage sous mon nom. Il faut espérer que Mr Marin empêchera ce brigandage.
Vous avez sans doute reçu le paquet que je vous envoiai il y a quelques jours pour Mr Blin de st Maur; il se dévoue courageusement à la défense de la vérité au sujet des commentaires.
Bon soir, mon cher philosophe; il y a bien des gens qui détestent l'infâme comme nous, mais il y a bien peu de vrais frères. Ecr: L'inf:
Voudriez vous bien faire passer cette Lettre à frère Protagoras?