1769-06-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Monsieur Caro fait des mélanges tant qu'il peut, il n'attend pas que les choses soient en ordre, il va toujours son train.
Monsieur Caro aurait dû jetter dans le feu la pluspart de ces rogatons; il y a longtems qu'on lui dit que les gros recueils restent dans le fond d'un magazin et se vendent à la livre.

Ut ut est, j'avertis monsieur Caro que la fin du siècle de Louïs 15 est toute prête.

Je le prie instamment de me dire s'il peut faire une très jolie édition des Guebres. Il y a une cinquantaine de vers nouveaux qui sont essentiels.

On pourait avoir une très jolie estampe pour quatre Louis d'or. Il faudrait quelques exemplaires en papier de Hollande avec grande marge. Je ne propose cette édition que pour que monsieur Caro fasse une fois un petit chef-d'œuvre tipographique. Celà ne serait pas cher, on n'y gagnerait rien mais on n'y perdrait rien, parce que tous les chef d'œuvres tipographiques se débitent chez les curieux.

Il est très triste que dans les mélanges les Guebres soient imprimés suivant les anciennes éditions; et il serait bon qu'on les imprimât à part suivant la nouvelle leçon, avec une préface historique assez intéressante sur les persécutions passées présentes et à venir.

Monsieur Caro est prié de dire son avis sur tout celà.