21 Xbre 1768
Mais mon cher ange, l'empereur dit à la dernière scène précisément ce que vous voulez qu'on dise dans votre lettre du 15; mais cela est annoncé dès la première scène dans les dernières additions; mais le 3e acte finit par la prière la plus touchante et la plus orthodoxe; mais il n'y a plus le moindre prétexte à l'allégorie.
Oubliez moi; que Marin m'oublie; mettez vous bien tous deux la Touche dans la tête, et vous verrez qu'il n'y a pas la moindre ombre de difficulté à la chose. Me trompé je? ai je un bandeau sur les yeux? Mahomet et le Tartuffe n'étaient ils pas cent fois plus hardis? Quel est l'homme dans le parterre et dans les loges qui ne soit pas de l'avis de l'auteur et qui ne le bénisse? quel est dans la capitale des Welches le porte dieu ou le gobe dieu qui ose dire: c'est moi qu'on a voulu désigner par les prêtres de Pluton? Quel rapport peut on jamais trouver entre les juges d'Apamée et les chanoines de notre dame? Vous avez toujours l'auteur sur le bout du nez, et vous croyez l'ouvrage hardi, parce que cet auteur a une fort méchante réputation.
Mais, au nom de dieu ne pensez qu'à la Touche. Il vous a écrit un petit mot en vous envoyant les trois premiers actes retouchés, sous l'enveloppe de m. le duc de Praslin. Vous trouverez sa lettre dans le paquet. Ma foi ces trois actes raccommodent tout, et les deux anges doivent être très édifiés.
Je suis très fâché que votre fromage de Parmesan ne puisse être arrondi par Castro et Ronciglione. Je m'imaginais que l'aîné laisserait ces rognures à son cadet, d'autant plus qu'elles sont extrêmement à sa bienséance.
Je suis encore plus fâché que ce Tanucci soit une poule mouillée. Que peut il craindre? Est ce qu'il n'entend pas les cris de l'Europe? est ce qu'il ne sait pas que cent millions de voix s'élèveront en sa faveur?
Avez-vous vu la riforma d'Italia, mes divins anges? Les livres français sont tous circonspects et honnêtes en comparaison. Quand l'auteur parle des moines il ne les appelle jamais que canailles. Enfin tous les yeux sont éclairés, toutes les langues déliées, toutes les plumes taillées en faveur de la raison.
D'Amilaville était le plus intrépide soutien de cette raison persécutée; c'était une âme d'airain et aussi tendre que ferme pour ses amis. J'ai fait une cruelle perte, et je la sens jusqu'au fond de mon cœur. Faut il qu'un tel homme périsse et que Fréron vive!
Vivez longtemps, mon cher ange. Vous devez, s'il m'en souvient, n'avoir que soixante et sept ans; j'étais bien votre aîné et je le suis encore. Je vous aimerai jusqu'à ce que ma drôle de vie finisse.
Cependant, que penseriez vous si au 1r acte, Iradan parlait ainsi à ces coquins de prêtres,
Nous sommes ses soldats, j'obéis à mon maître,Il peut tout.LE GRAND PRETRE
Oui, sur vous.IRADAN
Sur vous aussi peut-être.Les pontifes divins, des peuples respectésCondamnent tous l'orgueil, et plus les cruautés.Jamais le sang humain ne coula dans leurs temples.Ils font des vœux pour nous, imitez leurs exemples.Tant qu'en ces lieux surtout je pourrai commanderN'espérez pas me nuire et me déposséderDes droits que Rome attache aux tribuns militaires.&c. &c.
Que peut on dire de plus honnête et même de plus fort en faveur des prêtres? Cela ne prévient il pas toutes les allusions? et s'il faut qu'on en fasse, ces allusions ne sont elles pas alors favorables?
Ces 4 vers ajoutés, ne s'accordent ils pas parfaitement avec les additions déjà faites dans la première scène? n'êtes vous pas parfaitement content?
Toute cette affaire-ci ne sera-t-elle pas extrêmement plaisante? Ma foi, ce la Touche était un bon garçon. Voici le papier tout musqué pour le premier acte, il n'y aura qu'à l'ajuster avec quatre petits pains.
V.