1732-05-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Nicolas Formont.

Mes chers Aristarques, je vous obéis avec joye, et je suis encor plus sévère que vous.
Je vous envoye plus d'un changement dans cette feuille; demain vous pourez avoir une voiture plus complette. La poste va partir; sans cela, vous auriez au moins une douzaine de vers de plus. Jore en reçoit tous les jours. Je vous prie de luy communiquer ceux cy dès que vous les aurez reçus. Dites luy bien qu'il les porte exactement sur la pièce, qu'il commence incessamment l'impression, et qu'il m'envoye une copie de tous les vers corrigez qu'il a reçus de moy, afin que je les revoye à loisir. Mille remerciments, mille pardons. Soyez toujours bien indulgents pour moy et bien sévères pour mes ouvrages. Je vous embrasse bien tendrement.

nouvaux changements
dans la tragédie d'Eriphile.

acte premier

scène ière

Songez à cet oracle, à cette loy suprême.

corrigez

Songez à cet oracle, à cet ordre suprême.
Ces temps, ce jour affreux feront la destinée.

corrigez

Attends jusqu'à ce jour, attends la destinée.
De cet état tremblant embarrassoient les rênes.

corrigez

De l'état qui chancèle embarrassoient les renes.
Descends du haut des cieux après plus de quinze ans.

corrigez

Descends du haut des cieux après plus de vingt ans.
acte 3, scène ière à la fin

après ce vers, Mais du moins en tombant je saurai me venger, ôtez tout ce qui suit jusqu'à la fin de la scène, et mettez à la place:

EUPHORBE

Si vous n'espérez rien, que faut il ménager?
Venez vous essuier les mépris de la reine?

HERMOGIDE

Euphorbe, je viens voir à qui je dois ma haine,
Qui sont mes vrais rivaux, qui je dois acabler,
Qui séduit Eriphile, et quel sang doit couler.
Je viens voir si la reine aura bien l'assurance
De nommer devant moy . . . . C'est elle qui s'avance.
acte 4ème
scène dernière

TEANDRE

Détestable aux mortels et réprouvé des dieux.

corrigez

Détesté des morts même, et réprouvé des dieux.

ERIPHILE

rayez tout son couplet
et mettez à la place
Malheureux qu'as tu dit? qu'on arrête Teandre,
Que le pontife enfin revienne m'éclaircir,
Qu'on rapele Alcmeon, qu'on le fasse venir.
Teandre ne sait point quel sang luy donna l'être? . . . .
Il me feroit rougir s'il se faisoit conoitre . . . .
Que veut il? quels discours! moy je pouray jamais
Rougir de ce héros, regretter mes bienfaits!
Dieux es ce là ce jour annoncé par vous même?
Où j'allois disposer de moy, du diadème?
Où j'alois être heureuse? O mort explique toy!
Ne borne point ta haine à m'inspirer l'efroy!
Quel est cet Alcmeon? d'où vient qu'en ta présence
J'ai senti rallumer cet amour qui t'ofense?
Dieux qui voiez mes pleurs, mes regrets, mes combats,
Dévoilez moy mon cœur que je ne conois pas.
J'ay cru brûler d'un feu si pur, si légitime;
Quel est donc mon destin? ne pui-je aimer sans crime?
Fin du 4
addition aux changements qu'on doit faire
à ce quatrième acte dans cette même scène

TEANDRE

Le grand prêtre le sait, il sauva son enfance.

corrigez

Je sçay que le grand prêtre a sauvé son enfance.

V.