1770-01-30, de Catherine II, czarina of Russia à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur, Je suis très sensible de ce que Vous partagé ma satisfaction sur l'arrivée de nos vaisseaux au port Mahon.
Les voilà plus proche des ennemis que de leurs propre foyer, cependant il faut qu'ils ayent fait guayement ce trajet malgré les tempêtes et la saison avançées, puisque les Matelots ont composés des chansons come nos trouppes en ont la coutume quand la chose en vaut la peine, qui ne parlent que de conquête et d'obliger Moustapha à faire amende honorable. Je ne saurais nier la construction des Vaisseaux à Azoph dont Vous êtes informé. Le sultan avoit défendu de croire la possibilité de l'arrivé de ma flotte dans la Mediterannée; il disoit que s'étoit un bruit que répandoit les infidèles pour effrayer les serviteurs de Mahomet. La sublime Porte, malgré sa sublimité ne devinoit pas cela. Je ne suis point étonée de l'ignorance de l'Intendant de la Romelie, Ambassadeur en France, qui ignoroit jusqu'au nom de la Grece et d'Athenes. Que peut on prétendre de porteur d'Eau et de Charbons transformée en Bacha, en Visir etc: qui souvent ne savent pas lire et qui reçoivent toute la sçience du Gouvernement dans le Fetma du Grand seigneur? Ils n'ont pas même un seul home qui soit bien au fait du fil des affaires présente. J'ai conuë des Ambassadeurs Chrestiens et très Chrestiens qui quoique de meilleure naissance n'était pas plus instruit que le représentant Turk dont Vous me parlés Monsieur.

Je le répète la sage Europe ne donera son approbation à mes projets qu'autant qu'ils réussiront. Vous voulés bien comparer celui de l'expédition de la Mediterranée (qu'on m'attribuë injustement, je me réserve de nomer l'Auteur lorsqu'elle aura réussie) à l'entreprise d'Annibal, mais les Carthaginois avait à faire à un Colosse qui était dans sa force, tandis que nous nous trouvons vis à vis d'un fantôme foible et dont touttes les parties ce relâchent à mesure qu'on y touche.

Les Georgiens en effet ont levée le Bouclier contre les Turks et leurs refusent le tribut annuels de recruës pour le sérail. Heraclius, le plus puissant de ses Princes, est un home de tête et de Courage, il a çi devant contribué à la Conquête de l'Inde sous le fameux Schah Nadir. Je tiens cette anecdote de la propre bouche du Père d'Heraclius mort ici à Petersbourg en 1762. Mes trouppes ont passée le Caucase cet Autone et ce sont joint aux Georgiens, il y a eu par çi, par là de petit combats avec les Turks, dont je crois que les relations ont été imprimée dans les Gazettes, le Printems montrera le reste. D'un autre côté nous continuons à nous fortifier dans la Moldavie et la Walachie et nous travaillons à nettoyer cette rive çi du Danube.

Mais ce qu'il y a de mieux s'est qu'on sens si peu la guerre dans l'Empire, qu'on ne se souvient pas d'avoir vu un Carnaval où généralement tout les esprit, était plus porté à inventer des amusemens que pendant celui de cette année. Je ne sai si l'on en fait autant à Constantinople, peutêtre y invente t'on des ressources pour continuer la guerre, je ne leur envie point ce bonheur, mais je me féliçite de n'en avoir pas besoin, et me mocque de ceux qui ont prétendu qu'home et argent me manqueroit. Tapis pour ceux qui aiment à ce tromper, ils trouvent aisément pour de l'argent des flatteurs, qui leurs en doneront à garder. J'ai montré au Cte: Schouvalof l'article de Votre lettre Monsieur, qui le regarde. Il m'a dit, qu'il avait répondu à touttes Vos lettres exactement; elle ce sont perdus peutêtre.

Vous voudrés bien que je Vous fasse mes remercimens pour ce que les Vôtres renfermait de flatteur en vers et en prose pour moi. Volontiers je Vous aurait doné des nouvelles aujourd'huy, mais je n'en ai point d'interressantes. Puisque Monsieur mon exactitude ne Vous est point à charges, soyés assuré que je la continuerai pendant cette année 1770 que je Vous souhaite heureuse et que Votre santé ce fortifie come Azoph et Taganrok le sont déjà. Je Vous prie d'être persuadé de mon amitié et de ma sensibilité.

Caterine