A St Petersb : ce 3 [14 n. s.] Mars 1773
Monsieur, J’espère qu’il n’est plus question de la colère que Vous aviés le i xbre contre les Majestés Impériales de l’église grecque et de la Romaine.
J’aurais tâchée de l’apaiser sur le champ si Vous ne m’aviés envoyés un Mémoire de ce Mr Aubri pour lequel Vous souhaités une patente d’Assoçié de l’Académie de St: Petersbourg. Par là Vous m’avés mis en négociation avec tous les sçavans possible, et ce congrès n’a pas été plus heureux que celui de Fokchani, quoiqu’il n’aye pas doné lieu à d’aussi mauvais propos. Avec peine aije réussie à faire doner la réponse si jointe à Mr Aubri. Il me semble qu’il y a un peu d’humeur dans les Réflexions de nos Académiçiens, il me paroit qu’ils auroit pu dire simplement: nous n’avons guère pensé jusqu’ici à ce que vous nous proposé, quoique nous eussions la chose sous nos yeux tous les jours, mais nous vous envoyons ce que nous avons trouvé dans notre bibliotèque, et parceque l’Impératrice nous demandoit une réponse, ergo, nous l’avons faite telle, quelle; Le prince Orlow qui aime la Phisique expérimentale et qui naturellement est doué d’une perspicaçité particulière sur toute ses matières l’a, est peutêtre celui qui a fait la plus curieuse de toutes les expérience sur la glaçe, la voici, il a fait creuser un fossé pour le fondement d’une porte cochère pendant l’automne, l’hiver d’après durant les plus fortes gelées, il a fait remplir peu à peu ce fondement d’eau, afin que cette eau ce convertit en glaçe. Lorsqu’il fut remplit à la hauteur convenable on couvrit ce fondement soigneusement des rayons du soleil, et au printems on éleva dessus une porte cochère voûté et très solides en briques, qui existe depuis quatre ans et existera je crois jusqu’à ce qu’on l’abattra. Il est bon de remarquer que le terrein sur lequel cette porte est bâtie, est marécageux et que la glace tient lieu de piloti qu’on auroit été obligé d’employer à son défaut. L’Expérience de la bombe rempli d’eau et exposée à la gelée a été faite en m’a présence et elle est crevée dans moins d’une heure avec beaucoup de fracas. Quand on Vous dit que la gelées élève hors de terre des maisons, on auroit dû ajouter que cela arrive à des mauvaises baraques de bois mais jamais à des maisons de pierres. Il est vrai que des murs de jardins minces et dont les fondemens sont mal assis ont été tiré de terres et renversés peu à peu par la gelée. Les pilotis encore que la glace peut accrocher ce soulèvent à la longue.
Si les Turks continuent à suivre les bons conseils de leurs soidisant amis Vous pouvés être sûr que Vos souhait de nous voir sur le Bosphore seront bien prêt de leur accomplissement, et cela viendra peut être fort àpropos pour contribuer à Votre convalescence, car j’espère que Vous Vous êtes défait de cette vilaine fièvre continuë que Vous m’annoncé, et dont jamais je me serois douté en voyant la guayeté qui règne dans Vos lettres. Je lis présentement les œuvres d’Algarotti, il prétend que tous les Arts et toutes les sçiences sont nées en Grece. Dite moi je Vous prie cela est il bien vrai? Pour de l’esprit ils en ont encore et du plus déliée, mais ils sont si abbatus qu’il n’i a plus de nerfs chés eux. Cepandant à la longue je comence à croire qu’on pourroit les aguerrir, témoin cette nouvelle victoire de Patrass remporté sur les Turks après la fin du second Armistice. Le Cte: Alexis me marque qu’il y en a eu qui ce sont admirablement comporté. Il y a eu aussi quelque chose de pareil sur les côtes d’Egipte dont je n’ai point encore les détails, et s’étoit encore un Capitaine Grec qui comandoit. Votre Baron Pellemberg est à l’armée. Mr Poliansky est secrétaire de l’Académie des beaux Arts, il n’est pas noyé quoiqu’il passe souvent la Neva en carosse, mais chés nous il n’y a pas du danger à cela en hiver. J’ai reçuë de Mr d’Alembert une seconde et troisième lettre sur le même sujet, l’éloquence n’y est pas épargnée, il a mis à tâche de me persuader de relâcher ses compatriotes; mais n’y a t’il de l’humanité que pour nos Compatriotes? Que ne plaide t’il pour les prisoniers Turks et Polonois dupes et victimes des premiers? Ses gens là sont plus malheureux que ceux çi. Il est vrai que les Vôtres ne sont pas à Paris, mais aussi pourquoi l’ont ils quitté? Persome ne les y obligeoit. J’ai envie de répondre que j’en ai besoin pour introduire les belles manières dans mes Provinces. Je suis bien aise d’apprendre que mes deux Comédies ne Vous ont pas parues tout à fait mauvaises. J’attend avec impatience le nouvel écrit que Vous me promettés, mais j’en ai encore plus de Vous voir rétablit. Soyés assurés Monsieur de mon extrême sensibilité pour tout ce que Vous me dite d’obligeant et de flatteur, je fais des vœux sincères pour Votre conservation et suis toujour avec l’amitié et tout les sentimens que Vous me conoissés.
Caterine