1769-10-06, de Catherine II, czarina of Russia à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur, Je Vous ai contée l'autre jour la prise de Chotzin et coment l'Armée du victorieux et spirituel Moustapha a été anéantie.
Celle çi ne sera point remplie de fait meurtrier, que Vous n'aimés pas plus que moi. Je Vous dirai seulement avant que de répondre à Vos deux lettres Monsieur, que les nouvelles d'Azoph et de Taganrok ne parlent que de bals, de diner et de soupers donées par les généraux et Comandans; depuis que ses forteresse sont occupée on n'y entend pas parler d'enemis. Cependant les Turks avait envoyé au mois de Juin des bâtimens avec des Troupes pour faire une desçente sur cette côte; ses Vaisseaux relâchèrent en Crimée à Kafa et là les trouppes ce révoltèrent contre leur Bacha le tuèrent de même que le Comissaire des Vivres, ce jettèrent dans les barques et s'en allèrent Dieu sait où. Si mes enemis ont eu des grands desseins je les en féliçite, mais il ce pourroit qu'ils ont compté sans leur hôte. J'aurais vécu cent ans, et je n'aurais jamais començée de guerre, mais puisque grâce au soins de mes enemis et de mes envieux, je suis obligée de la faire, je ne négligerai assurément rien pour m'en bien tirer. Les farçes Italiene la plupart finissent par des coup, celle des Turques en croisade avec le Nonce et ses adhérent pourroit bien finir de mêmes.

Il n'y a rien de plus flatteur pour moi que le voyage que Vous voulés entreprendre pour me venir trouver, Monsieur. Je répondrai mal à l'amitié que Vous me témoignés, si je n'oubliais en ce moment la satisfaction personelle que j'aurais à Vous voir, pour ne m'occuper que de l'inquiétude que je sens en pensant à quoi Vous expose un voyage aussi long et pénible. La délicatesse de Votre santée m'est connuë. J'admire Votre courage, mais je serais inconsolable si par malheur Votre santée étoit affoiblie par ce Voyage, et ni moi ni toutte l'Europe ne me le pardonerais pas si jamais l'on faisait usage de l'Epitaphe qu'il Vous a plut de composer, et que Vous me mandé si gayement, on me reprocherais de Vous y avoir exposé. Outre cela Monsieur il ce pourroit aisément que si les choses restent dans l'Etat où elles sont, le bien de mes affaires demandera ma présence dans les Provinces méridionales de mon Empire, ce qui doublera Votre chemin et les incomodité inséparables d'une telle distances.

Au reste Monsieur soyés assuré de la parfaite considération avec laquelle je suis

Caterine