1769-04-26, de Catherine II, czarina of Russia à Voltaire [François Marie Arouet].

J'ai reçue Monsieur Votre belle lettre du 26 févreïer.
Je ferai mon possible pour suivre Vos conseils, si Moustapha ne sera pas rossé, ce ne sera assurément ni Votre faute ni la mienne, ni celle de mon armée, mes soldats vont à la guerre contre les Turks come s'ils allait à une noçe. Puisque l'envie de faire cause commune contre les Barbares est passée aux autres Puissance de l'Europe, la Russie seule cueillera ses lauriers çi, et son attention à bien battre ses enemis, ne sera point distraite par des combinaisons de Campagnes consertées, auquelles souvent, il n'y a eu que les ennemis qui ayent gagnée. Si Vous pouviés voir tous les embarras dans lequels ce pauvre Moustapha ce trouve, à la suite du pas précipité qu'on Lui a fait faire, contre l'avis de son Divan et des gens les plus raisonables, il y auroit des momens où Vous ne pourriés Vous empêcher de le plaindre come home, et come home très mal dans ses affaires.

Il n'y a rien qui me prouve plus la part sincère que Vous prenés Monsieur à ce qui me regarde que ce que Vous me dites sur ses chars de nouvelle invention. Mais nos gens de guerres ressemble à ceux de tout les autres Pays, les nouveautés non éprouvées leurs paraisse douteuses.

Je suis bien aise Monsieur de ce que mon instruction a Votre approbation, je doute qu'elle aye celle du st: Père et du Moufti. Les Cardinaux devroit élire ce dernier pour Pape, ils sont présentement si bien avec lui. Ce seroit aux Cardinaux Ultramontins à en faire la proposition aux conclave.

Je Vous prie Monsieur d'être assuré que tout ce qui me vient de Votre part me fait un plaisir infini, je ne sauroit assés Vous remercier de l'envoi que Vous m'avés fait, le Tableaux de Mr Hubert y compris, s'est un vrai cadeaux. Je regretterai bien d'être privée de ce qui paraitrai à l'avenir, je crois qu'il faudroit l'envoyer en Hollande par la voye de quelque Marchand, et de là on me l'enverray ou par la poste ou d'autres occasions qui ne sont pas rare de ce pays là.

Vivés Monsieur et réjouïssés Vous lorsque mes braves guerriers auront battus les Turks. Vous savés je pense qu'Azof à l'embouchure du Tanaïs est déjà occupé par mes troupes, le dernier Traité de paix stipuloit que cette place resteroit abandonée de part et d'autre. Vous aurés vu par les gazettes que nous avons déjà envoyé promener les Tartares dans trois différens endroit lors qu'ils ont voulu piller l'Ukraine, cette fois çi ils s'en sont retournés aussi gueux qu'ils étoit sorti de la Crimée, je dis gueux car les prisoniers qu'on a fait sont couvert de lambeaux non d'habits. S'ils n'ont pas réussi selon leurs désirs chés nous en revange ils se sont dédomagés en Pologne, il est vrai qu'ils y avois été par leurs Alliés les protégés du nonce du Pape.

L'on fait très bien içi la porcelaine dite en biscuit, je ne sais Monsieur coment j'ai pu Vous dire que Votre buste étoit en plâtre, Une Dame française dirai que s'est une bévue qui ne ressemble à rien, mais come je n'ai pas l'honneur d'être Welches, je dirai que s'est une distraction digne de Moustafa.

Au moment que j'achevai ses lignes, j'ai reçuë Votre lettre Monsieur du 1 d'Avril. Le Conseil que Vous avés donés au jeune Galatin m'est une nouvelle marque bien flatteuse de Votre amitié pour moi. La vérité m'oblige de Vous dire, que si ce Jeune home doit encore étudier à quelque Université je crois que ses parens feront mieux de l'y envoyer qu'à Riga, où je craint qu'il ne trouverai point l'équivalent des Université d'Allemagne; mais s'il ne s'agit que de lui apprendre l'Allemand, Riga est aussi propre que Leipsig même, et alors Vous voudrés bien Monsieur l'addresser au gouverneur général de la Livonie, Mr de Braun, qui réside à Riga, auquel j'écrirai à ce sujet. Nous en auront soin, s'il conserve l'envie de s'établir en Russie, sinon il sera très libre de faire ce qui lui plaira, et même de venir assister à Votre entrée à Constantinople, où Vous m'avés promis de me venir trouver, qu'en j'y serai s'entend, en attendent je tâcherai d'étudier un beau compliment grec, que je Vous débiterai. Il y a deux ans lorsque j'étois à Casan, j'avais apprises quantité de phrases Tartares et arrabe, ce qui faisoit un grand plaisir aux habitans de cette Ville, qui pour la plupart sont de cette nation, bon Musulmans, bien riche, et qui bâtisse une Magnifique Mosquée en pierre depuis mon départ. Je suis bien fâchée de ce que Votre santée ne réponde pas à mes souhaits, Si les succès de mes Armées peut contribuer à la rétablir je ne manquerai pas de Vous faire part de Tout ce qui nous arrivera d'hûreux, jusqu'içi Dieu merci je n'ai encore que de très bone nouvelles de tous côtés, on renvoye bien étrillés tout ce qui ce montre Turks, Tartares mais surtout les Mutins de Pologne.

J'espère dans peu avoir des nouvelles de quelques chose de plus décidée que des affaires de partis entre troupes légères, je suis avec une estime bien particulière.

Caterine